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Zollverein et aux Pays-Bas, et près de devenir le dernier mot d’un ministère qui eût personnifié naguère les préjugés anti-français ; les libéraux enfin, refoulés de fait, par l’exagération même de leurs doctrines de liberté commerciale, vers l’arène protectionniste, que leurs adversaires viennent d’abandonner, et, au bout de ces surprises, un déplacement possible d’opinions qui ferait du ministère de Theux, cette faute suprême des catholiques, l’instrument de leur salut : voilà autant d’élémens nouveaux du problème que sont appelées à résoudre les élections de 1847. De là deux points de vue distincts et cependant inséparables : je les embrasserai tous deux. Intéressante par son originalité seule, cette situation a d’autres titres à l’attention de notre pays. Pour la France et pour l’Europe, la Belgique est plus qu’un petit royaume de quatre millions d’habitans : la Belgique est l’élément forcé de bien des solutions commerciales déjà entrevues, le point commun où le système douanier du nord et le système douanier du midi viendront tôt ou tard se briser ou s’unir.


I.

On avait pu apprécier, dès la retraite de M. Nothomb, les causes et les indices certains de la réaction qui s’opère depuis cinq ans en Belgique. Protégés par un système électoral qui n’autorise, sauf le cas de dissolution, le renouvellement des chambres que par moitiés, et à intervalles de deux ans pour les représentans, de quatre ans pour les sénateurs, les catholiques possèdent encore la majorité parlementaire, quoiqu’ils soient en minorité évidente, avouée, dans les collèges électoraux. Les élections de 1843 pour le renouvellement de la première moitié de la chambre des représentans, et précédemment les élections provinciales de 1844 faites par la même catégorie de votans qui nommera, en 1847, la seconde moitié de cette chambre et la première moitié du sénat, ont réduit, dans le domaine de la politique intérieure, à une simple question de temps l’avènement définitif des libéraux. C’est cependant en face de cette insurrection spontanée, presque unanime, du pays électoral contre la prépondérance du clergé qu’a surgi pour la première fois un ministère exclusivement clérical, en d’autres termes, une combinaison telle que les catholiques, au faîte de leur popularité et de leur puissance, n’avaient jamais osé l’imposer an roi. Une pareille solution n’est pas, du reste, survenue d’emblée : le roi, avant d’y recourir, a tour à tour essayé d’une combinaison mixte et d’une combinaison libérale ; mais cette double tentative, dirigée par des scrupules inopportuns, n’a servi qu’à rendre plus évidentes la déconsidération, des catholiques et les impolitiques préférences de la couronne pour un parti que repousse le sentiment national. Pour bien faire apprécier le caractère et