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les idées religieuses, plus large sera le symbole, plus il embrassera de croyans. Tous, par exemple, n’accepteraient-ils point aujourd’hui quelque simple formule qui réunît les ames dans un lien fraternel sans les étreindre sous le joug d’une lettre morte ? Tous ne diraient-ils point d’un même cœur : « Jésus-Christ, le même hier, aujourd’hui et dans l’éternité, est le fondement de notre croyance, et le seigneur de son église ; mais ce seigneur n’est autre que l’esprit, l’esprit du Christ en nous, l’esprit d’amour et de sainteté qui affranchit ceux qu’il possède de tout ce qui n’est pas lui, et les rend vraiment libres, vraiment fils de Dieu. »

Après cette dissertation dogmatique, le magistrat arrivait enfin à l’objet même de sa protestation, il incriminait vivement le parti qui menaçait l’avenir de l’église et de l’état pour tenter, au mépris de la pensée contemporaine ; d’enfermer le christianisme dans les livres symboliques et les confessions écrites, au lieu de lui laisser sa voie dans les consciences. Il accusait nominalement la Gazette évangélique, organe du parti, de recommencer aujourd’hui le rôle odieux des Juifs vis-à-vis des premiers chrétiens et des papes vis-à-vis de la réforme, il accusait surtout le ministère des cultes et lui reprochait solennellement le dévouement absolu qu’il apportait au servite d’une faction réactionnaire ; il croyait que cette intervention du gouvernement dais les choses religieuses blessait à la fois et les lois nationales et les lois divines. Il terminait par cette double prière : « Nous supplions votre majesté de vouloir bien recommander aux autorités ecclésiastiques de ne point gêner la liberté d’enseignement dans l’église évangélique, tant que cette liberté ne contrariera ni la morale, ni la pureté, ni le bien de l’état. Nous supplions votre majesté de vouloir bien convoquer une commission, tirée de toutes les provinces, formée de laïques et d’ecclésiastiques, chargée, sous la sanction royale, de préparer pour l’église un projet de constitution qui satisfasse les besoins du temps. »

Le roi répondit d’un ton à la fois railleur, paternel et courroucé. — Il avait désiré que le magistrat lui présentât en personne cette adresse extraordinaire ; il lui avait auparavant donné le temps de réfléchir, dans l’espoir qu’on trouverait à la fin bien singulier de venir lui débiter face à face un si long morceau de théologie ; il ne pensait pas que les conseils de ville fussent appelés par nature à se transformer en synodes, et, s’il consentait à ne point exercer cette suprême autorité pontificale dont la réformation avait investi le prince, ce n’était point pour en décorer l’une après l’autre les municipalités de son royaume. — Frédéric-Guillaume montrait là sans doute plus d’esprit que ses interlocuteurs, et, s’il n’y avait point dans ces vives paroles toute la dignité possible, du moins elles ne manquaient pas de sel. Malheureusement ce pas répondre, et les pétitionnaires avaient le cœur trop plein de