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qu’elle a dictés aux plus heureuses inspirations des muses de la capitale. Ces poésies, du reste, n’arrivent point jusqu’au peuple, qui, à l’exception de quelques chansons modernes, ne connaît guère que les vers du vieux temps. La Bretagne compte aussi quelques bardes indigènes, et, en considérant la province au point de vue poétique, on pourrait la diviser en école marseillaise, — école toulousaine, — école bretonne. L’est et le nord sont beaucoup plus indifférens au rhythme et à la strophe. Dans l’est, et surtout à Strasbourg, on sent percer l’influence du voisinage de l’Allemagne. Les questions philosophiques ou théologiques y éveillent encore la passion des esprits curieux et graves. Les vieilles traditions des recherches patientes s’y sont maintenues dans toute leur rigueur. On s’occupe de médecine, d’histoire naturelle, et les travaux de ce genre se recommandent par une grande exactitude et grand sens d’observation. L’histoire, l’agriculture et les applications de la science à l’industrie attirent plus particulièrement l’attention des départemens du nord. Quant à la Normandie, elle forme pour ainsi, dire le véritable centré du mouvement académique, et c’est cette belle province qui a pris l’initiative dans l’institution des congrès et des associations entre les divers savans de la France et même de l’Europe entière.

Si nous cherchons maintenant, en passant des provinces aux villes, à faire la part des localités à déterminer leur rang d’après l’activité ou la solidité de leurs travaux, nous n’hésiterons point à donner les premières places, sur les points extrêmes, à Toulouse, à Strasbourg, à Caen et à Lyon.

En effet, nous trouvons à Toulouse à côté d’importans travaux académiques, quatre grands journaux, des publications spéciales de médecine et de droit ; un recueil littéraire périodique. Les collections de toute espèce, les bibliothèques, les musées, y prennent chaque jour un accroissement nouveau ; aussi la vieille cité de Clémence Isaure est-elle fière, peut-être même fière à l’excès, de cette prospérité ; et, dans les réunions de ses académies, dans les discours d’apparat, ses enfans manquent rarement de réclamer pour elle le titre glorieux de métropole intellectuelle du midi. À Caen, les ambitions sont moins hautes, mais le travail n’est pas moins actif : cette ville compte aujourd’hui une Société d’agriculture et de commerce, une Société de médecine, une Société linnéenne de Normandie, une Association normande, une Société vétérinaire, et, de plus, elle est le chef-lieu de la Société française pour la description et la conservation des monumens historiques. Lyon porte dans ses travaux la même tendance encyclopédique. On y trouve, outre l’Académie royale,dont l’histoire a été récemment écrite par M. Dumas, une Société académique d’architecture,qui publie des comptes-rendus annuels, une Société d’éducation, deux sociétés de médecine et une société linnéenne. Strasbourg se distingue dans l’étude des sciences naturelles ; on s’y occupe encore, ce qui est tout-à-fait exceptionnel en province, de philosophie, de métaphysique transcendante et même d’exégèse biblique.

Marseille, Nîmes, Montpellier, Bordeaux, Dijon, Rouen, Mâcon, Blois, Evreux, Besançon, Nantes, Lille, Metz, Mulhouse, Moulins, Reims, Saint-Omer, Amiens, ont également fait preuve de zèle. Une foule de villes beaucoup moins importantes ont marché avec ardeur dans la voie du progrès, et, si les résultats y sont moins sensibles, les efforts ne sont pas moins louables : toutes ont tendu