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surtout le caractère d’un rationalisme positif, qui se proposait exclusivement l’exécution littérale de la loi et les satisfactions de l’intérêt terrestre. Ce n’est ni un pharisien, ni un saducéen qui eût trouvé les admirables inspirations de la parole évangélique.

Au moment où la synagogue se raidissait dans son orgueil, le monde était en travail. Il y avait partout une sorte de protestation sourde contre les religions établies. Ni le symbolisme orientale, ni le polythéisme grec, ni le monothéisme hébraïque, n’exerçaient plus cette autorité souveraine qu’acceptent volontiers les hommes quand ils croient se soumettre à la vérité. Néanmoins cette insuffisance des divers cultes avait ses degrés, et Jérusalem avait gardé une puissance qui manquait aux religions de l’Asie, de l’Égypte et d’Athènes. Elle devait cette puissance à la simplicité durable des principes que Moïse lui avait légués. Aussi, c’est du haut de la cité de David que jaillit la lumière dont les rayons vivifians devaient ranimer le monde : seulement la nation juive ne put rendre un pareil service au genre humain qu’en se déchirant. Elle s’était divisée en deux royaumes après David et Salomon : avec Jésus-Christ éclate un nouveau schisme d’une autre nature et d’une autre portée.

L’hébraïsme seul pouvait donner à l’humanité la religion qui lui était nécessaire, mais à la condition de se renouveler lui-même, d’abandonner sur plusieurs points la lettre stérile pour un esprit nouveau, sacrifice toujours pénible pour les préjugés d’un peuple, et qu’ici les espérances particulières de la nation juive rendaient plus douloureux. Il n’y eut donc que quelques hommes d’une intelligence plus prompte, d’une imagination plus vive, minorité d’élite dont saint Paul est la gloire, qui entrèrent avec résolution dans cette manière nouvelle de considérer l’hébraïsme et ses destinées ; mais aussi de quelle puissance morale se trouvèrent investis ces hommes, lorsqu’armés des promesses faites à la race d’Abraham et des grands principes de la loi de Moïse, ils s’adressèrent aux nations, et lorsque, s’inspirant avec génie de ce que les idées de ces nations, leurs pressentimens et leurs espérances avaient de plus élevé et de plus vrai, ils leur prêchèrent un Dieu nouveau tant désiré par le monde ! Autant l’hébraïsme ancien se montrait exclusif, hautain, étroit, autant l’hébraïsme nouveau, c’est-à-dire le christianisme, fut humain, affectueux et populaire. Il se fit tout à tous, et ce fut là son prestige, son charme. Nous le voyons, dès le début, doué d’une puissance efficace d’assimilation. Une fois sorti de la Judée, il contracte des alliances fécondes avec le génie oriental, avec le génie grec, le génie romain ; il s’alliera plus tard avec le génie germanique. Aussi le christianisme devient-il, en moins de deux siècles, une religion complète qui s’empare des imaginations par une partie merveilleuse,