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fondamentale, qui fut comme la clé de toute la critique de Spinoza sur les Écritures, était un crime aux yeux de la synagogue ; elle ne prévoyait pas que l’homme qu’elle poursuivait jusqu’à l’assassinat devait être un propagateur puissant, non pas des traditions du Talmud, mais du génie judaïque et oriental dans sa primitive essence. Le panthéisme de Spinoza fut au fond une transformation savante du monothéisme de Moïse. Mais voici qu’au même moment le plus illustre soutien de la foi catholique trouve dans les annales et dans la loi du peuple juif le plus solide témoignage de la vérité du christianisme, et aussi le point central de l’histoire de l’humanité. Bossuet, dans la seconde partie du Discours sur l’histoire universelle, montre la connaissance de Dieu passant des Juifs aux autres nations qui deviennent comme un nouveau peule du Seigneur, et il ajoute : « Pour garder la succession et la continuité, il fallait que ce nouveau peuple fût enté pour ainsi dire sur le premier et, comme dit saint Paul, l’olivier sauvage sur le franc olivier, afin de participer a la bonne sève » C’était assurément une grande et belle part faite à l’hébraïsme, mais elle est bientôt suivie de cette mémorable sentence « La Jérusalem visible avait fait ce qui lui restait à faire, puisque l’église y avait pris naissance. La Judée n’est plus rien à Dieu ni à la religion, non plus que les Juifs, et il est juste qu’en punition de leur endurcissement leurs ruines soient dispersées par toute la terre. » Bossuet se rit de la grande erreur des Juifs, qui, sous le joug des Romains, attendaient pour Messie un dominateur temporel, un roi semblable aux autres rois de la terre. Parmi les Juifs, plusieurs virent un moment le Messie dans le premier Hérode ; l’historien Josèphe crut le trouver dans Vespasien. « Aveugle, s’écrie Bossuet, qui transportait aux étrangers l’espérance de Jacob et de Juda, qui cherchait en Vespasien le fils d’Abraham et de David, et attribuait à un prince idolâtre le titre de celui dont les lumières devaient retirer les gentils de l’idolâtrie ! » Dans le cercle des croyances et des traditions catholiques, rien de plus éloquent, rien de plus victorieux que les démonstrations successives tirées de l’hébraïsme par l’évêque de Meaux en faveur de la religion de Jésus-Christ. Tout condamne l’obstination et l’aveuglement des Juifs, les prédictions de leurs prophètes, les promesses faites à leurs pères, leur exil de la terre promise, leur dispersion à travers le monde. Toutefois le prêtre catholique ne désespère pas du salut final de l’ancien peuple de Dieu, et, s’autorisant de quelques paroles d’Isaïe, il nous montre les Juifs revenant un jour de leurs erreurs ; seulement ils ne doivent revenir qu’après que l’Orient et l’Occident, c’est-à-dire tout l’univers, auront été remplis de la crainte et de la connaissance de Dieu. C’est la pensée constante de Bossuet de voir dans la tradition du peuple juif et dans celle des chrétiens une même suite de religion, de prouver la vérité des Écritures des deux Testamens par 1eur rapports intimes,