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pour la modération, et comment, d’autre part, le gouvernement bâlois est entré si vite en transaction pour opérer une réforme amiable. Tous les gens sensés veulent éviter des bouleversemens qui amèneraient la détresse en même temps qu’ils se refusent à subir une direction rétrograde. C’est là notamment le sens de la conduite que l’on tient à Genève envers les catholiques. Sous l’ancienne administration, ils avaient sans cesse à se débattre contre le prosélytisme influent des momiers, qui s’appliquaient avec toutes les ressources de leur position sociale ç la conversion de ces pauvres papistes ; d’autre part, si l’esprit radical eût été victorieux, il aurait probablement entravé le libre exercice du culte en vertu de son dogmatisme philosophique : le nouveau gouvernement génevois s’est concilié les catholiques en les affranchissant à la fois des sourdes persécutions de l’aristocratie calviniste et des bruyantes menaces des radicaus. Nous l’en félicitons, et tel est le sage équilibre que nous voudrions toujours voir subsister dans la marche générale des affaires helvétiques. Notre ambassadeur, M. de Pontois, a voulu prendre sa retraite ; et ses honorables services méritaient à coup sûr la récompense qui les a couronnés ; M. de Bois-le-Comte, qui le remplace, a, dit-on, beaucoup de crédit personnel à Rome ; nous serions bien étonnés qu’il n’employât pas cette utile influence au profit de ce système de modération dont la ferme équité peut seule sauver la Suisse.

Les états-généraux de Hollande ont ouvert leur session, et la seconde chambre a déjà répondu au discours du trône. Le gouvernement néerlandais est entouré de difficultés sérieuses ; le mouvement constitutionnel qui se fait jour dans toute l’Allemagne se prononce avec la même vivacité dans l’assemblée nationale de La Haye. Le président, M. Bruce, à peine installé au fauteuil, a saisi cette occasion pour professer publiquement les principes au nom desquels on l’avait choisi ; il a dit qu’il espérait voir bientôt l’accomplissement pacifique des souhaits populaires, et qu’il entendait par là une révision de la loi fondamentale du royaume, l’établissement du vote direct dans les élections ; la responsabilité du cabinet en face du pays, la smplification de toute la machine publique, la suppression du régime arbitraire dans les colonies, en un mot l’avènement complet des institutions modernes. Rédigée dans ce sens libéral, l’adresse a passé à une grande majorité, combattue seulement par des absolutistes entêtés ou des utopistes radicaux. C’est en effet là le programme sérieux de ce peuple à la fois si paisible et si éclairé. Le gouvernement se trompe en tendant outre mesure les liens avec lesquels il croit entraver cette irrésistible impulsion, et les procès qu’il intente à la presse, les lois qu’il répare contre elle, obligent seulement les bons citoyens à se demander si le régime qui suffisait en 1829 pour contenir l’opposition belge ne suffira plus en 1846, au sein d’un état purgé maintenant de tout mélange anti-national.

La Belgique voit aussi commencer son année parlementaire ; le ministère semble vouloir détourner les chambres des questions purement politiques en multipliant les questions d’affaires ; il est douteux qu’il y réussisse : le projet de loi sur l’instruction publique mettra certainement aux prises les deux partis qui luttent sans relâche depuis tant années, et l’on ne saurait imaginer ici combien cette lutte est toujours active. Le travail secret des sociétés n’a jamais cessé, et les loges maçonniques jouent encore là le rôle qu’elles eurent chez nous avant 1830. Les associations n’ayant pas été interdites par la loi, elles se sont