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François, qui fut le dernier empereur d’Allemagne ; la mort ne lui en laissa pas le temps. Ce fut Léopold de Toscane qu’elle lui donna pour héritier, et dès-lors il fut aisé de prévoir le sort d’une œuvre qui reposait sur la tête d’un seul homme. Léopold n’aimait pas son frère, bien qu’il professât cependant les mêmes doctrines philosophiques. Son cœur était naturellement bon, son esprit cultivé ; il avait su rendre la Toscane heureuse et florissante ; sa tâche eût donc été facile en Autriche. Pour recueillir tout le bénéfice des innovations, ils n’avait besoin ni de génie, ni de courage, mais seulement de persévérance. Il n’en fut pas ainsi. Les premiers actes de son règne signalèrent la réaction qui allait s’ouvrir. Pour satisfaire les bruyantes réclamations de quelques intérêts particuliers froissés par le bien général, le nouvel empereur sacrifia la protection exclusive accordée à la production nationale, et la centralisation qui devait réaliser l’unité autrichienne. Avant même d’entrer à Vienne, Léopold déclara qu’à ses yeux les assemblées provinciales étaient les colonnes de l’état, et il se hâta de les rétablir. Toutefois cette partie des réformes de Joseph qui avait été dictée par l’esprit d’humanité, suivant l’expression de M. Ramshorn, fut respectée par son successeur. L’édit de tolérance et les règlemens sur l’éducation ont exercé sur les mœurs publiques une action profonde et salutaire. Ainsi Joseph II, dans un règne si court et traversé par tant de désastres, luttant seul contre la malveillance des hommes et l’inertie des choses, a pu cependant léguer à son peuple d’immenses bienfaits ; un grand nombre des règlemens administratifs qu’il introduisit sont abrogés, il est vrai, mais l’esprit. des réformes a survécu : il se conserve au sein de l’empire pour des jours meilleurs, et, comme l’a dit M. de Metternich, peu suspect de partialité en pareille matière, Joseph II a inoculé la révolution à l’Autriche.


GUSTAVE GARRISSON.