Toute ma vie fut citoyenne, et je ne crains pas tes calomnies, Henri. Si j’ai pris sur moi de venir ici comme envoyé, c’est que je connais mon siècle, et j’ai su apprécier sa mission glorieuse. Pancrace est le véritable représentant citoyen…
Arrière, vieillard imbécile, que je ne te voie plus devant moi. (A part, à Jacob.) Fais venir ici une escouade de nos soldats. (Jacob sort. — Les femmes se lèvent et pleurent. — Les hommes s’éloignent de quelques pas.)
Vous nous avez perdus, Comte.
Nous pensons ne plus devoir vous obéir.
Nous nous entendrons nous-mêmes avec ce digne citoyen pour la reddition du château.
Le grand homme qui m’a envoyé vous garantit la vie, si vous vous réunissez et si vous reconnaissez les besoins du siècle.
Nous les reconnaissons ; oui, nous les reconnaissons.
Quand vous m’avez appelé pour vous commander, j’ai juré de périr sur ces murailles plutôt que de me rendre. Je tiendrai bon et vous aussi, et nous périrons ensemble. Ah ! vous avez encore soif de la vie… eh bien ! alors, demandez à vos pères pourquoi ils ont dominé et opprimé. (S’adressant à un comte.) Dis-moi, toi, pourquoi tu opprimais tes vassaux ? (A un autre.) Et toi, pourquoi as-tu passé ta jeunesse à jouer aux cartes et à voyager pour tes plaisirs, loin de ta patrie ? (A un autre.) Et toi qui méprisais les petits, pourquoi rampais-tu devant les grands ? (A une femme.) Et vous, pourquoi n’avez-vous pas élevé vos enfans pour en faire des guerriers ? Aujourd’hui ils nous serviraient à quelque chose. Mais tu aimais les juifs, les beaux parleurs, les avocats ; maintenant prie-les pour ta, vie. (Il se lève et tend les bras vers le ciel.) Mais qui donc vous pousse à vouloir vous couvrir d’opprobre et d’infamie ? Êtes-vous donc si pressés de vous avilir à vos derniers momens ? C’est avec moi que vous devez marcher au-devant des balles et des baïonnettes, et non pas à la potence, où le bourreau silencieux vous attend pour vous passer la corde au cou.
Il dit vrai. Oui, en avant contre les baïonnettes !
Mais il n’y a plus un seul morceau de pain !
Ayez pitié de nos enfans et des vôtres !
Il faut se rendre ! il faut se rendre !