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temps, on obtenait des vaisseaux mouillés à Spthead et à Plymouth de désavouer cette nouvelle insurrection. Ces équipages réconciliés firent parvenir à leurs camarades une adresse pathétique pour les exhorter à suivre leur exemple et à se contenter des concessions déjà faites. Cette démarche produisit tout l’effet qu’on en devait attendre : plusieurs vaisseaux coupèrent leurs câbles, et, se séparant des insurgés, allèrent se réfugier sous les batteries de Woolwich et de Gravesend. Le 13 juin, le pavillon rouge ne flottait plus qu’à bord de trois vaisseaux sur lesquels s’étaient retirés les délégués de la flotte ; le lendemain, l’équipage du Sandwich livrait Parker aux soldats envoyés pour l’arrêter. Parker sur lequel ces lugubres circonstances attirèrent un instant les yeux de l’Europe, était simple matelot à bord du Sandwich. C’était un homme d’une trentaine d’années, d’une taille assez élevée, et dont le visage hâlé et les traits amaigris ne manquaient ni de dignité ni d’expression. Pendant l’exercice de son pouvoir éphémère, il avait conservé une veste bleue à demi usée, et ce fut dans ce costume qu’il comparut à bord du Neptune devant la commission militaire appelée, à prononcer sur son sort. Pendant l’instruction, de son procès, qui remplit deux séances, il se conduisit avec autant de décence que de fermeté. Son maintien fut froid et recueilli ; ses interpellations aux témoins à charge indiquèrent plus d’habileté et de présence d’esprit qu’on ne se fût attendu à en rencontrer chez un pareil homme. Du reste, il n’essaya point de se défendre, et sembla livrer sa tête à ses juges avec la résignation d’un conspirateur qui a mesuré d’avancé les conséquences de sa défaite.

La mort de Parker n’éteignit point les fermens de sédition qui, depuis tant d’années, bouillonnaient dans ces équipages si cruellement traités par un pays ingrat. L’insurrection de Portsmouth était à peine apaisée, que les renforts expédiés à l’amiral Jervis apportèrent au milieu de son escadre le germe de cet esprit turbulent qui avait infecté les escadres du Nord. La main, de fer du rigide amiral eut bientôt comprimé ces tendances subversives, et ce fut en face de l’ennemi, en vue même de Cadix et de la flotte, espagnole, qu’il brisa ce dernier effort de l’indiscipline.

Pour subvenir aux besoins toujours croissans de ses nombreux, armemens, le gouvernement anglais avait été contraint de faire un nouvel appel au pays. Une loi qu’il obtint du parlement obligea chaque paroisse ou district à fournir, en raison de son étendue et de sa population, un certain contingent destiné au service de la flotte. Les paroisses, de leur côté, pour remplir cette obligation, offrirent, sous le nom de bounty-money, une somme de 30 guinées, souvent même une somme supérieure, aux personnes qui voudraient s’engager volontairement à faire partie de ce contingent. Cette prime séduisit malheureusement