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Le lendemain cependant les mutins revinrent à des sentimens plus calme, et de nouvelles propositions de lord Bridport furent acceptées après quelques instans de délibération. Près de quinze jours s’écoulèrent ainsi ; la flotte, à l’exception de trois vaisseaux, avait quitté Spithead pour aller mouiller à l’entrée même de la rade, et l’amiral n’attendait plus qu’un vent favorable pour la conduire devant Brest, quand, irrités de ne point recevoir du parlement et de la couronne la confirmation des promesses de lord Bridport, les équipages arborèrent de nouveau l’étendard de la révolte. Cette fois le sang coula à bord d’un vaisseau, celui que montait le vice-amiral Colpoys. Fidèles à leur vieille réputation de loyauté, les soldats de marine prirent les armes ; au moment où l’équipage, confiné dans les batteries, braquait vers le gaillard d’arrière deux canons qu’il venait de démarrer de la batterie haute et qu’il avait traînés sous les écoutilles, ils exécutèrent une décharge générale qui renversa onze hommes et en blessa six mortellement. Malgré cette décharge, les matelots se précipitèrent sur le pont, s’emparèrent du premier lieutenant, et s’apprêtèrent à immoler cette première victime à leur ressentiment ; mais le vice-amiral. Colpoys s’avançant vers eux leur déclara que ce qui s’était passé n’avait eu lieu que d’après ses ordres et conformément aux prescriptions de l’amirauté. Singulier exemple de ce respect des lois si profondément empreint dans le caractère britannique ! ces hommes en état de révolte ouverte contre leurs officiers, encore excités par la vue du sang répandu et de leurs camarades expirans, demandèrent à prendre connaissance des instructions de l’amirauté, et s’inclinèrent humblement devant elles. L’emploi de la force leur sembla suffisamment justifié, dès que ces instructions autorisaient l’amiral à y avoir recours. Le malheureux officier qu’ils allaient sacrifier à leur aveugle fureur fut immédiatement relâché, les soldats de marine furent désarmés sans qu’on se portât contre eux à la moindre violence, et le vice-amiral Colpoys reçut l’invitation de se retirer dans sa chambre.

Enfin, le 14 mai, un mois après le commencement de cette sédition, lord Howe arriva de Londres avec de pleins, pouvoirs pour terminer cette malheureuse affaire. Il apportait aux équipages révoltés l’assurance d’une amnistie complète, l’acte du parlement qui sanctionnait les concessions consenties par lord Bridport, et la nouvelle que 436,000 livres sterling avaient été votées par la chambre des communes pour faire face aux nouvelles charges imposées au trésor. Ces conditions furent agréées ; le lendemain, accompagnés de lord et de lady Howe et de plusieurs autres personnages de distinction, les délégués visitèrent les bâtimens mouillés à Spithead ; apaisèrent par leur présence une nouvelle révolte à la veille d’éclater dans l’escadre de sir Roger Curtis, qui en ce moment arrivait de croisière, et, à leur retour à Portsmouth,