aux leurs. Ce calme momentané était propre à favoriser les intentions de sir John Jervis. Le Victory avait à peine arboré son pavillon, que l’on put reconnaître à des signes infaillibles la présence d’un nouveau commandant en chef. En quelques mois, l’esprit de la flotte avait entièrement changé. Plus d’un capitaine regretta le pouvoir débonnaire de l’amiral Hotham ; mais Nelson, Collingwood, Foley, Troubridge, Samuel Hood, Hallowell, tous ces jeunes officiers qui devaient être un jour l’honneur de la marine britannique, tressaillirent d’une nouvelle ardeur sous cette main vigoureuse. Le mouvement maritime qu’en l’absence de grands événemens On eût pu croire suspendu n’était que déplacé : il se poursuivait dans cette transformation silencieuse de la discipline anglaise. Malgré les ombrages qui troublèrent plus tard une honorable et mutuelle, confiance, personne ne s’est montré plus disposé que Nelson à rendre hommage aux heureux efforts de l’amiral Jervis. « C’est au grand et excellent comte Saint-Vincent, s’écriait-il dans une lettre écrite en 1799 à lord Keith, que nous devons tous le feu qui nous anime et notre ardeur pour le métier de la mer. — Jamais, lui écrivait-il à lui-même, jamais l’Angleterre ne retrouvera une réunion de vaisseaux tels que ceux que vous m’avez confiés. C’est à vous surtout qu’est due la victoire, d’Aboukir, et j’espère que notre pays ne l’oubliera pas. — Je n’ai jamais rien vu répétait-il encore pendant la campagne de la Baltique, de comparable à ces vingt vaisseaux qui ont servi dans la Méditerranée. Auprès des officiers qui ont grandi à cette école, les autres laissent voir une telle pauvreté de ressources, que j’en suis vraiment étonné. » Jervis lui-même, quelques années plus tard, quand l’amirauté anglaise l’appela à commander la flotte de la Manche, ne cessait de regretter ces capitaines d’élite qu’il avait formés aux meilleurs jours de sa carrière. « Envoyez-moi, écrivait-il le 15 juin 1800 au comte Spencer, quelques-uns des officiers qui ont servi sous mes ordres dans la Méditerranée. Le temps n’est peut-être pas éloigné où j’aurai à me féliciter qu’ils aient pris la place de ces vieilles femmes, qui, sous l’apparence de Jeunes hommes, sont ici le fardeau de l’escadre. »
L’attention de sir John Jervis, quand il entreprit l’importante réforme qu’il devait accomplir, se porta sur trois points principaux : la tenue du navire dont il faisait dépendre la santé des hommes destinés à l’habiter, l’instruction militaire, et la discipline de l’escadre. Deux maladies ravageaient fréquemment les armées navales à cette époque, le scorbut et le typhus. L’emploi des boissons acidulées avait déjà commencé à préserver les vaisseaux anglais du premier de ces fléaux ; mais le typhus était souvent la conséquence de l’agglomération d’un grand nombre d’hommes dans des espaces étroits et humides. Au moment même où Jervis arrivait dans la Méditerranée, le vaisseau napolitain le Tancredi, atteint de cette épidémie redoutable, avait dû quitter