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parlons-nous pas ici de ceux qui ne veulent point de charte du tout ; ceux-là défendent leur opinion contre les voyageurs à coups d’escopette dans les Algarves et dans l’Alentejo. C’est l’effectif permanent de l’ancien parti miguéliste, qui, faute de mieux, loue quelquefois ses services aux hommes d’une constitution contre ceux de l’autre. Il y a donc d’abord eu les constitutionnels républicains de 1820 en face des constitutionnels royalistes de dom Pedro ; la charte de dom Pedro, restaurée en 1834, bientôt victorieuse du radicalisme, a rencontré un antagonisme plus sérieux et plus opiniâtre dans le pacte de septembre 1837. De là ces noms de chartistes et de septembristes, dont on se fait généralement une idée si fausse ou si vague. La charte de dom Pedro est la consécration des principes aristocratiques et monarchiques de l’ancienne société et de l’ancien gouvernement : une chambre haute formée presque exclusivement par la noblesse de naissance, des députés élus par le double vote, la suppression du droit d’association et de pétition, des restrictions considérables apportées au droit d’interpellation et d’initiative dans les chambres, la couronne autorisée à traiter sans contrôle avec les puissances étrangères, tels sont les principaux caractères de cette constitution, premier progrès du Portugal dans les voies libérales au sortir de l’absolutisme de dom Miguel, progrès trop artificiel pour être bien sûr ; un ministère Villèle après le ministère Polignac. A peine restaurée, cette constitution compta parmi ses adversaires les défenseurs les plus énergiques que dom Pedro et dopa Maria eussent trouvés contre dom Miguel ; ils ne voulaient point avoir combattu pour si peu. Le comte de Bomfin, dernier ennemi resté debout, en 1828, devant dom Miguel, le premier accouru à l’appel de dom Pedro, en 1834, était déjà, en 1833, le chef de cette opposition qui aboutit, en 1837, à la loi de septembre. Devenu, en 1838, loi fondamentale de l’état, la charte septembriste se distingue surtout de la charte de dom Pedro par les restrictions qu’elle apporte à l’exercice de la prérogative royale, par l’extension de la prérogative parlementaire et du droit d’association, enfin par l’élection des députés à un seul degré ; de plus, la tendance avouée des septembristes a toujours été de faire aussi de la chambre haute une chambre élective.

Entre ces deux chartes et leurs adhérens plus ou moins sincères se montre enfin le parti de la cour, qui, tout en se glorifiant de rester fidèle aux principes de dom Pedro, les trouve encore trop étroits pour ses ambitions monarchiques et les élargit à sa guise, comme naguère sous le dernier ministère de M. Costa da Cabral, soit par les décrets qu’il rend, soit par la façon dont il gouverne les chambres. Dans ce parti, disons-le tout d’abord, on ne doit pas compter la reine elle-même, si pour être d’un parti il faut avoir un peu de suite dans les volontés et d’indépendance dans l’esprit. On l’a vue successivement proclamer la charte à Belem en 1837, et faire mine de garder la constitution de septembre à Lisbonne en 1842. Profondément dévouée au prince de Cobourg, son époux, elle est plutôt l’instrument que l’appui de prétentions mal réglées et mal justifiées. Ferdinand de Cobourg et son conseiller, M. Dietz, ne poursuivent qu’un but, l’affermissement du pouvoir absolu de la couronne : en 1842, ils trouvèrent dans M. Costa da Cabral l’auxiliaire que l’on sait. Membre d’un cabinet septembriste, M. Cabral prit alors sur lui de rétablir par un coup de main la charte de dom Pedro, et travailla quatre ans à diminuer les libertés qu’elle consacrait. Chassé depuis quatre mois par une révolution imprévue, il est aujourd’hui rappelé