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indifférence, scepticisme, décadence ou progrès ? Nous laissons à d’autres le soin de résoudre la question, en nous bornant à la signaler, comme un sujet intéressant de concours, aux académies historiques.


V.

Les sciences géographiques, dans leurs rapports avec l’histoire, la philologie, les intérêts de la civilisation et de la politique nationale, sont représentées par trois compagnies, dont la plus ancienne est la Société de géographie, qui date de 1821. Autant que le permettent les ressources dont elle dispose, ressources restreintes du reste, et qui se réduisent aux cotisations de ses membres, la Société de géographie fait entreprendre des voyages dans les contrées peu connues ; elle décerne des prix, entretient des correspondances avec les voyageurs, publie des relations inédites, fait graver des cartes et réimprimer des ouvrages rares. C’est aux concours qu’elle a ouverts pour stimuler le zèle des explorateurs qu’on doit le voyage de René Caillé et la découverte de Temboctou, le voyage de Pacho dans la Cyrénaïque, et d’importantes excursions dans la Guyane, l’Amérique centrale et l’intérieur de l’Afrique. En 1828, elle a fondé un prix de mille francs, destiné à celui des voyageurs européens qui aurait fait dans l’année la découverte la plus importante en géographie. Ce prix, depuis dix-huit ans, a été décerné treize fois. Un second prix de deux mille francs a été institué par M. le duc d’Orléans pour le géographe ou le voyageur qui ferait en France l’importation la plus utile à l’agriculture, à l’industrie ou à l’humanité. La totalité des sommes distribuées par la société à titre de récompense s’élève aujourd’hui à plus de soixante mille francs. On doit encore à la même compagnie un recueil de voyages et de mémoires, et un bulletin qui forme comme la chronique mensuelle des sciences géographiques. Le recueil se compose de sept volumes in-quarto, qui renferment, entre autres documens importuns, un texte inédit du voyage de Marco-Polo, la grammaire et le dictionnaire berbères de Venture de Paradis. Le bulletin, enrichi de planches et de cartes, est aujourd’hui à son quarante-troisième volume. Ajoutons que la société possède une bibliothèque fort riche, ouverte aux savans de toutes les nations, un musée géographique qui renferme d’intéressantes collections, et que les hommes que tente l’attrait puissant du danger et des courses lointaines sont toujours certains de trouver auprès d’elle des secours efficaces et une protection généreuse.

La Société asiatique n’a point ce caractère aventureux. Succursale paisible et casanière de la Société anglaise de Calcutta, elle ne dépasse guère les domaines de la philologie ; elle achète, imprime ou traduit des textes orientaux ; elle concourt, par des souscriptions, à la publication des livres qui se rattachent à la spécialité de ses travaux, et la première, en France, elle a introduit la fonte des caractères sanscrits. On lui doit en outre des alphabets géorgiens, pehlwis, tagalas, mongols et mandchoux, et un recueil mensuel, le Journal asiatique, qui forme quarante-sept volumes. Du reste, quelques efforts qu’un ait faits, dans ces dernières années, pour populariser les études orientales, ces études sont restées concentrées dans un cercle fort restreint ; la plupart des cours ne sont suivis que par les candidats à la suppléance, et le progrès scientifique qui, chez nous, s’accomplit de ce côté, n’a guère de retentissement qu’à l’étranger. Malgré notre indifférence,