leur recueil ? Serait-ce par hasard pour s’assurer une collaboration vraiment supérieure ? Si telle est leur pensée, ils nous paraissent avoir manqué le but, car la plupart des travaux qui leur ont été donnés par l’Institut ont été puisés dans ! es corbeilles aux rognures ; d’ailleurs, ce sera toujours un tort de se montrer exclusif en faveur des hommes arrivés, de circonscrire la science dans des limites officielles et de s’organiser en corporation.
Par la date de sa fondation, la Société des Antiquaires est l’aînée de toutes les académies que nous venons de nommer ; malheureusement, en fait d’activité, elle s’est laissé depuis long-temps distancer par ses sœurs cadettes. Napoléon, en la créant en 1805, voulait en faire une académie d’archéologie nationale, et, dans sa pensée, elle devait occuper à peu près le même rang, exécuter les mêmes travaux que les comités créés après la révolution de juillet ; mais, à cette époque, l’école de Bullet régnait encore avec une autorité souveraine : la nouvelle académie, qui prit le titre de celtique, se fourvoya dans le monde gaulois, et, après avoir dressé l’inventaire des dolmens et des menhirs, après avoir épuisé toutes les acceptions des mots dun et braga, elle reconnut qu’il était difficile, pour ne pas dire impossible, de reconstruire un monde dont les ruines même ont péri. Au titre d’académie celtique elle substitua, en 1814, celui de société des Antiquaires, qu’elle porte encore, et elle étendit le programme de ses études à la géographie, à la chronologie, à l’histoire, à la littérature, aux arts, à l’archéologie, en posant pour limite extrême le XVIIIe siècle. Dix-sept volumes ont été publiés jusqu’à ce jour, et l’on y trouve çà et là quelques dissertations qui ne sont point dénuées d’intérêt ; mais, en érudition, il est souvent difficile de garder la juste mesure, et de ne pas tomber dans les infiniment petits. La Société des Antiquaires n’a point évité cet écueil, et, comme spécimen, il suffit de citer la lettre sur les assauts de chant des pinsons dans le nord de la France. Quoi qu’il en soit, on ne saurait contester aux antiquaires un mérite dont on est assez peu disposé à leur tenir compte aujourd’hui, et ce mérite, c’est d’avoir les premiers appelé l’attention sur l’archéologie nationale.
On le voit par ce qui précède, le mouvement des études historiques, dans les académies de la capitale, est actif et souvent fécond, et l’on petit porter à plus de deux cents le nombre des volumes publiés par les sociétés historiques ; mais, en parcourant ces travaux nombreux et variés, on se demande si, dans cette variété même, il n’y a pas un danger sérieux pour la science. L’érudition s’éparpille en lambeaux ; la sève des études se perd dans les mémoires, les notices, les dissertations écourtées ; les documens s’entassent de manière à décourager les travailleurs les plus intrépides, et personne ne parait se préoccuper de la synthèse. Il est encore une autre remarque qui frappe dès les premières lectures : c’est l’absence de toute idée générale, et, pour ainsi dire, de toute passion. Au XVIIIe siècle, entre les mains des encyclopédistes, l’histoire, l’érudition elle-même est une sorte de machine de guerre qu’on dresse contre l’édifice du passé. Sous la restauration, pour l’école monarchique, c’est un instrument contre-révolutionnaire ; pour l’école libérale, c’est un arsenal d’argumens victorieux, qui donne comme appui à la liberté moderne l’autorité du droit traditionnel. La lutte éclate à chaque pas. Aujourd’hui, au contraire, il semble qu’on ne fouille dans le passé que par un sentiment de curiosité oisive. Les guelfes et les gibelins se sont donné le baiser de paix. L’érudition elle-même traverse une période éclectique. Est-ce sagesse,