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LÉONARD.

Frère, prends pour cela mon stylet.

LE COMTE.

Frère, le mien suffira.

<centerDES VOIX.

Vive Léonard ! vive l’assassin du club espagnol !

LÉONARD.

Tu viendras demain à la tente du citoyen généralissime.

CHOEUR DES PRÉTRES.

Notre hôte, nous te saluons au nom de la liberté. Dans tes mains se trouve une partie de notre salut. Qui combat sans cesse assassine sans faiblesse ; qui nuit et jour croit à la victoire, celui-là est sûr de vaincre. (Ils passent.)

CHOEUR DES PHILOSOPHES.

Nous avons tiré de l’enfance le genre humain, du fond des ténèbres nous avons fait jaillir la vérité ; toi, combats pour elle, pour elle assassine, et au besoin donne ta vie ! (Ils passent.)

LE FILS DU PHILOSOPHE.

Camarade, frère, dans le crâne d’un vieux saint, je bois à ta santé : au revoir. (Il jette le crâne.)

UNE FILLE, dansant.

Tue pour moi le prince Jean.

UNE AUTRE.

Et pour moi le comte Henri.

LES ENFANS.

Nous te demandons une tête d’aristocrate.

D’AUTRES ENFANS.

Bonheur et bonne chance à ton stylet.

CHOEUR DES ARTISTES.

Sur les ruines gothiques nous bâtirons une nouvelle église, un nouveau temple. Il n’y aura ni statues ni images ; les voûtes seront hérissées de poignards ; les piliers seront portés par huit têtes d’hommes. Les chapiteaux ressembleront à des chevelures laissant ruisseler le sang. Un seul autel avec un seul symbole : le bonnet de la liberté. Hourra !

D’AUTRES VOIX.

Allons, allons ! l’aube blanchit.

LE NÉOPHYTE.

Nous allons finir par être pendus à la potence.

LE COMTE.

Tais-toi, juif. Ils vont à la suite de Léonard et ne font plus attention à nous. Pour la dernière fois j’embrasse avec mon ame toutes ces pensées, je plonge avec mon esprit dans ce chaos s’élevant du fond des temps, du sein des ténèbres, pour me renverser moi et les miens. Mes pensées que pousse le désespoir, que torture la douleur, ont pris une force nouvelle. J’avais besoin de cet horrible spectacle. Dieu, donne-moi la force que tu ne m’as jamais refusée ; donne-moi