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les intempéries qui terrassaient les plus robustes. La marine française semblait pour long-temps réduite à l’impuissance, l’incendie de Toulon avait rendu la mer déserte, et Nelson s’apprêtait à chercher sur un autre élément de l’emploi pour l’activité de ses jaquettes bleues qu’il voulait conduire à la tranchée et à l’attaque des places fortes, de façon à faire honte aux habits rouges que les républicains venaient de chasser de Toulon.

Lord Hood, en effet, avait à peine quitté cette magnifique rade, qu’il songea à s’assurer dans la Méditerranée un nouveau refuge pour sa flotte. Depuis long-temps il convoitait la possession de la Corse, que le vieux Paoli agitait par ses intrigues, et, pendant son séjour à Toulon, il avait entamé avec ce général une négociation qui fut suivie d’une tentative infructueuse sur la ville de Saint-Florent. Paoli promettait de soulever les habitans et de les amener à accepter le protectorat de l’Angleterre, mais il voulait que lord Hood s’engageât à chasser les Français des places fortes qu’ils occupaient dans le nord de l’île. L’emploi de quelques vaisseaux se fût trouvé insuffisant contre des places aussi peu accessibles que Bastia et Calvi, et, tant qu’il eut à défendre Toulon contre les troupes républicaines, lord Hood se trouva trop occupé pour pouvoir former de nouvelles entreprises. L’évacuation de Toulon laissait, au contraire, à sa disposition un corps d’armée de 2,000 hommes qui devenait un véritable embarras pour l’escadre, un matériel considérable et tous les moyens d’entreprendre des sièges réguliers. D’accord avec le major-général Dundas, il résolut donc de tenter une conquête qui devait amplement dédommager l’Angleterre de la perte de Toulon. Le débarquement des troupes s’opéra dans la baie de Saint-Florent. Les positions qui défendaient cette ville furent enlevées successivement, et Bastia, attaquée bientôt par les seules troupes de la marine et une partie des équipages de la flotte, contre l’avis et sans le concours des généraux anglais, Bastia fut emportée après quelques jours de siège. Calvi, que l’amiral Martin, sorti de Toulon à la tête de sept vaisseaux, essaya vainement de secourir, opposa une plus longue résistance ; mais, investie par des forces plus considérables que celles qui avaient réduit Bastia, cette place finit par succomber également, et les Français se trouvèrent entièrement chassés de la Corse, qu’ils ne devaient reprendre qu’à la faveur des triomphes de l’armée d’Italie.

Nelson avait dirigé toutes les opérations du siège de Bastia et pris une part active à celui de Calvi. Ce fut dans une des batteries élevées contre les fortifications de cette dernière place, qu’il perdit l’usage de son œil droit, atteint par quelques débris qu’un boulet avait fait voler en éclats en frappant le merlon de cette batterie. Cette blessure ne le tint renfermé qu’un seul jour ; mais, comme ii l’écrivait alors, il ne s’en était pas fallu de l’épaisseur d’un cheveu qu’il n’eût la tête emportée.