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qu’on ne pourra arracher au ciel les secrets qu’il nous tient en réserve, que lorsqu’on aura déterminé complètement la position et étudié longuement l’aspect de tous les astres visibles. Une telle revue, un tel catalogue complet et raisonné de l’état du ciel est un travail qu’il est plus facile d’imaginer que d’effectuer, et qui deviendra de plus en plus malaisé à mesure que nos moyens d’observation seront plus parfaits. Hipparque enregistrait, il y a vingt siècles, mille quatre-vingts étoiles dans son grand catalogue, et actuellement il n’y a pas d’observateur qui, avec sa lunette, n’aperçoive des myriades d’astres dans une portion très restreinte de la voûte céleste. Voilà pourquoi les astronomes n’ont pas encore pu déterminer les mouvemens de tous les points lumineux dont l’espace semble parsemé. Forcés de choisir, ils se sont attachés d’abord aux planètes déjà connues, et aux étoiles qui, par leur position ou leur éclat, attirent le plus l’attention. A côté de ces astres principaux, qui servent pour ainsi dire de points de repère, peu à peu on en a placé d’autres, et c’est ainsi que successivement ont été formés les catalogues d’étoiles et les cartes du ciel, qui font connaître pour une époque donnée la position d’un grand nombre d’astres. C’est à l’aide de ces cartes surtout, et en comparant l’aspect actuel du ciel avec l’état qu’elles représentent, que l’on peut voir s’il s’est opéré quelque changement depuis qu’elles ont été construites. Étudiés avec persévérance par des yeux intelligens et attentifs, ces changemens, dès qu’on les a constatés, amènent habituellement quelque découverte. On ne se ferait pas facilement une idée des modifications que cette voûte céleste, qui parait toujours si semblable à elle-même, éprouve continuellement. Ici de petites étoiles qui, dans le champ d’une lunette ordinaire, n’apparaissent que comme des atomes lumineux, se dédoublent à l’aide d’instrumens plus puissans, et nous révèlent des soleils verts ou bleus tournant autour d’autres soleils de couleur cramoisie ou orangée ; là des astres s’éteignent ou sortent de l’obscurité tout à coup. Des phénomènes extrêmement petits donnent lieu parfois aux plus grandes découvertes. C’est en constatant, par exemple, à l’aide d’observations d’une délicatesse extrême, des déplacemens presque imperceptibles dans la position apparente de certaines étoiles que Bessel a pu déterminer, il y a peu d’années, la distance qui nous sépare de ces astres. Ce résultat admirable permet désormais à notre système planétaire de prendre sa place dans le ciel, qui semblait séparé de nous par un abîme infranchissable.

S’il est difficile de prévoir l’époque à laquelle la position de tous les astres qu’on voit à l’aide des télescopes les plus puissans aura été déterminée, il ne faut pas croire que cet immense travail soit absolument nécessaire aux observateurs pour qu’ils puissent enrichir la science d’intéressantes découvertes. Les moyens que l’on possède déjà suffisent le plus souvent aux véritables astronomes, à ceux qu’une étude persévérante et une aptitude particulière ont doués de cette espèce d’instinct, qu’on acquiert en toutes choses par une longue pratique et par un exercice non interrompu. Pour ces astronomes, les faits les plus insignifians en apparence, les moindres discordances, deviennent des indices précieux, qui les conduisent souvent à des découvertes inespérées. C’est en tenant compte d’apparences parfois bien fugitives que les observateurs habiles sont portés à s’attacher de préférence à l’étude de certains astres, et qu’ils se voient parfois payés de leurs veilles par la découverte de quelque comète, ou par celle, bien plus rare et plus éclatante, d’une planète nouvelle. C’est ainsi que le premier jour de ce