encore vu. Nous allons tâcher de donner quelque idée des moyens par lesquels M. Le Verrier a obtenu ce résultat inattendu, et de faire comprendre en quoi sa découverte se distingue d’autres découvertes analogues qui ont eu lieu dans les soixante-cinq dernières années.
Depuis les temps les plus reculés on a reconnu que la plupart des astres qui brillent dans le ciel paraissent conserver toujours la même position par rapport aux astres voisins, tandis que d’autres, changeant sans cesse de situation, voyagent de constellation en constellation, et, après une marche plus ou moins rapide, finissent par revenir sensiblement à leur point de départ. C’est de là qu’est née la distinction entre les planètes et les étoiles fixes. Avec leurs moyens imparfaits d’observation, les anciens n’ont pu cependant s’attacher qu’aux astres les plus considérables, les plus brillans, et chacun sait que (sans parler du soleil, de la terre et de la lune) Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne sont les seuls corps de notre système planétaire dont l’antiquité nous ait légué la connaissance. Après tant de siècles, les esprits s’étaient tellement accoutumés à l’idée que le nombre de ces corps avait été déterminé d’une manière irrévocable, que lorsque Galilée, tournant pour la première fois sa lunette vers le ciel, eut découvert les satellites de Jupiter, plus d’un astronome refusa de mettre l’œil à cet instrument magique, qui venait ainsi troubler l’ordre établi et produire de telles apparences qu’on qualifiait de diaboliques, illusions.
Ce préjugé ne tarda pas à se dissiper ; mais malgré le perfectionnement des moyens d’observation, malgré le nombre toujours croissant des astronomes et des observatoires, il se passa bien des années avant qu’on pût ajouter une seule planète à celles que les anciens avaient aperçues. Ce fut seulement en 1781 qu’Herschell, grand astronome qui s’était formé tout seul, fit une découverte qui recula d’une façon inespérée les limites du système planétaire. Occupé sans cesse à explorer le ciel, il vit, au pied de cette constellation qu’on appelle les Gémeaux, un petit astre dont le disque, bien déterminé, ne lui parut pas offrir l’aspect d’une étoile fixe, et, s’attachant à cette observation, il reconnut que cet astre se déplaçait. On s’aperçut bientôt que ce n’était pas une comète, et ce corps ne tarda pas, sous le nom d’Uranus, à prendre place après Saturne parmi les planètes. Ce n’est pas sa petitesse qui avait empêché les anciens de connaître cette planète, car ils avaient constaté l’existence d’étoiles qui semblent encore plus petites, c’était la lenteur de son mouvement. En effet, la durée de sa révolution étant de quatre-vingt-quatre ans, il était presque impossible que, dans un corps si peu apparent, on pût constater à l’œil nu les petits déplacemens qu’il éprouvait. Lorsqu’on se rappelle que le plus grand astronome de l’antiquité, Hipparque, a commis des erreurs qui parfois s’élèvent jusqu’à deux degrés dans la détermination de la position de certaines étoiles, on voit qu’il aurait fallu observer Uranus, pendant près d’une année de suite pour s’assurer que les changemens qu’on pouvait remarquer dans sa position n’étaient pas dus à des erreurs d’observation. Or, rien ne désignant cet astre à l’attention des anciens astronomes, on ne pouvait leur demander d’en faire l’objet d’une étude si pénible et si longue.
Les notions que nous pouvons acquérir sur la constitution de l’univers doivent se fonder principalement sur la comparaison du ciel avec lui-même à des époques plus ou moins éloignées ; mais, pour comparer, il faut connaître, et il s’ensuit