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bien mieux, leurs membres ont plus d’élasticité, leur esprit plus de vivacité, plus de ressort. L’excessive ténuité de l’impalpable comète est évidente pour tous, puisqu’à travers la substance nouvelle dont l’atmosphère est chargée, les constellations célestes demeurent visibles. La végétation subit des changemens incontestables, mais qui n’ont rien de très menaçant, et qui se trahissent seulement, sur chaque arbre et chaque plante, par une exubérance inaccoutumée de feuillage.

Reste cependant le dernier mot de l’épreuve, l’apogée de la crise, le moment où le noyau même de la comète, et non plus son enveloppe ambiante, se trouvera directement en relation avec la terre. A son approche, les hommes, enfin désabusés, ressentent les premières atteintes d’un mal inconnu, et il s’élève de tous côtés un cri d’horreur et d’angoisse. Ces symptômes précurseurs consistent en une pénible oppression de la poitrine, accompagnée d’une sécheresse de l’épiderme qui engendre de vives souffrances. Il est certain dès-lors que l’atmosphère terrestre est notablement viciée, et toutes les préoccupations se portent de ce côté. Les prophéties du saint livre reviennent à l’esprit de chacun, et le genre humain tout entier est dans la position de Macbeth, lorsque les prédictions équivoques des sœurs barbues, d’abord démenties par les faits, s’accomplissent d’une manière tout-à-fait inattendue, quand les bois de Birnam marchent contre lui, quand il se trouve en face de l’homme « qui n’est pas né d’une femme : »

I pull in resolution ; and begin
To doubt the equivocation of the fiend
That lies like Truth.

De même les pâles humains maudissent leur aveuglement, et comprennent enfin les mystérieux arrêts de la Providence. Les gaz mortels de la comète, mieux que la foudre du Sinaï, vont éteindre à la fois, dans toutes les poitrines, la vie pour un moment surexcitée ; mais, avant de mourir, le genre humain devient fou. Une sorte de délire pousse les habitans du globe, haletans, enfiévrés, à courir çà et là, tantôt maudissant et défiant, tantôt criant et pleurant, selon que se traduit, ici et là, l’impétueux essor du sang qui circule plus rapide dans leurs veines embrasées.

« Cependant, continue Eïros, le nucleus destructeur était sur nous. — Je frémis encore à ce souvenir, même ici, même au sein d’Eden. — D’abord ce fut une lumière livide, errante, dont les rayons pénétraient de toutes parts ; puis, — inclinons-nous, Charmion, devant la majesté du grand Créateur ! — un bruit s’éleva, retentissant et formidable, comme un arrêt de mort prononcé par lui ; cette masse éthérée au sein de laquelle nous vivions s’embrasa tout à coup, transformée en une flamme intense dont il n’est pas même donné aux anges du ciel d’exprimer