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nous ne pourrons atteindre qu’après bien des années. L’Amérique, de son côté, trouve dans le bon marché de la matière première un avantage inappréciable pour ses importantes de tissus de cotons communs.

Que se passe-t-il au contraire chez nous ? Le prix de revient des cotons filés et tissés y est plus élevé qu’en Angleterre ; nous ne consommons que peu de thé ; nos colonies ne fournissent point d’opium, point de cotons en laine ; en revanche, nous produisons nous-mêmes de la soie, dont la Chine n’a aucun besoin. Ajoutez à ces premiers obstacles une marine marchande en décadence, le manque de colonies placées dans la sphère d’activité commercial de la Chine et de l’Indo-Chine, la position désavantageuse de nos commerce forcé d’agir, sans point d’appui, sans base d’opérations, à cinq mille lieues des ports d’expédition. La nature et les circonstances semblent, on le voit, liguées contre nous sur les marchés de l’extrême Orient, et, sous peine de fâcheux mécomptes, nous ne devons nous dissimuler aucun de ses désavantages. Plus ces obstacles sont grands, plus il importe de bien examiner le terrain sur lequel on va marcher ; ce n’est qu’à ce prix qu’on peut reconnaître si on a tout fait pour tirer d’une si mauvaise situation le meilleur parti possible.

Notre ambition doit-elle donc se borner à envoyer chaque année deux ou trois navires en Chines, comme nous le faisons depuis bientôt deux siècles ? Faut-il renoncer à l’espoir d’augmenter nos relations commerciales avec ce pays, qui nous ouvre ses ports, et où nous voyons s’accomplir tant de grandes opérations ? Je ne le pense pas, et je suis convaincu qu’il y a pour la France sur ces côtes lointaines quelque chose de plus à faire que ce qu’elle a tenté jusqu’à présent.

Examinons quels seraient ceux de nos articles qui pourraient le plus convenir à la Chine. Nous commencerons par les tissus de coton, cette base des importations de produits manufacturés anglais ; certaines de nos étoffes imprimées, exactement appropriées au goût du pays, pourraient s’y placer, sinon très avantageusement, du moins de manière à encourager le commerce français, surtout, s’il trouvait en Chine des objets d’échange convenables. Il ne faudrait procéder que pas petits envois, principalement au début, car les tissus de coton imprimés sont dans ce pays l’objet d’une consommation limitée. Des mouchoirs de couleur en dimension voulue, certains velours de coton, quelques rouges andrinoples à dessins, des étoffes laine et coton à grandes fleurs, quelques mouchoirs blancs de Saint-Quentin, voilà, selon moi, ce que notre industrie cotonnière aurait à envoyer de plus convenable en Chine. Quant aux cotons filés et aux calicots écrus et blancs, qui forment le tiers du commerce anglais, le moment n’est pas encore venu pour nous de les y importer. Nous pouvons lutter avec la Grande-Bretagne pour les articles où le goût, la beauté du dessin, ont une large part ; mais lorsque la question se réduit à un prix de fabrique plus ou moins élevé, nous devons, quant à présent, éviter le concurrence.

Nos draps légers pourront donner lieu, il faut l’espérer, à des affaires avantageuses, si les fabricans français savent se conformer aux exigences des consommateurs chinois. Nos fabriques du midi paraissent être celles dont les produits, en raison de leur bon marché, ont le plus de chances de trouver un écoulement facile et de pouvoir lutter avec les spanish stripes des Anglais. Les modèles rapportés de Chine, que nos manufacturiers peuvent examiner, leur indiquent exactement les conditions qu’ils sont enus de remplir, s’ils ne veulent plus voir