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qui doivent la diriger dans la voie nouvelle ouverte à ses efforts par le traité de 1844. Quel est l’état de ce marché inconnu qui sollicite l’activité de notre commerce ? Nous réserve-t-il des avantages ou des mécomptes ? Ce sont là deux questions dont la dernière surtout ne veut pas être traitée légèrement.


VI.

L’ouverture de cinq ports chinois, stipulée en 1842 dans le traité de Nankin, fut considérée par toute l’Europe comme un événement d’une immense portée et fit naître les plus grandes espérances. Partout on éprouva le besoin de connaître ce curieux pays, qui se décidait enfin à recevoir les étrangers. La plupart des gouvernemens chargèrent des agens spéciaux d’aller explorer ce nouveau terrain d’opérations commerciales ; on vit successivement des missions hollandaise, prussienne, autrichienne, espagnole et française se diriger vers le Céleste Empire. Bien des opinions furent émises sur les chances plus ou moins favorables des relations qui allaient s’ouvrir.

Nous avons toujours pensé qu’il ne fallait pas envisager uniquement le présent dans une matière aussi grave, et que la Chine commerciale devait être étudiée lentement, mûrement, dans ses grands entrepôts du nord aussi bien qu’à Canton. Deux choses sont à examiner surtout, le caractère de la nation avec laquelle on entre en rapports, puis les ressources variées qu’offre le pays au commerce européen. Faire connaître les affaires commerciales de la Chine, puis donner sur son mouvement d’exportation et d’importation les indications tirées des documens les plus récens, ce sera éclairer suffisamment les deux côtés de la question.

Parmi les nombreuses entraves qui paralysaient les relations d’affaires avec la Chine, et sur lesquelles nous croyons inutile de revenir, il faut compter au premier rang ces droits de douane si multiples, si embrouillés, et souvent si vexatoires, qui pesaient sur le commerce étranger à Canton. Aujourd’hui un nouveau tarif, établi par le traité de 1842, a supprimé ces droits. Le ho-pou (surintendant des douanes) est chargé de recueillir le produit des droits actuels, qui sont généralement modérés. Il a la haute direction du commerce cantonais, et exerce sa surveillance sur tout ce qui se rattache à la navigation. Nous devons noter que bon nombre de petits navires étrangers, de bateaux et de lorchas portugaises esquivent aujourd’hui la visite de la douane, en s’arrangeant avec certains mandarins qui reçoivent, pour prix de leur tolérance, une somme assez légère. Le fait est bien connu de tous les négocians de Canton.

Il existe une classe d’agens semi-officiels qui servent d’intermédiaires à la douane et aux marchands étrangers : ce sont les linguistes, hommes actifs et intelligens, employés comme interprètes par le ho-pou. Ce sont eux qui procurent les permis de débarquement, qui prennent note des droits à acquitter pour les diverses marchandises, qui surveillent le déchargement et qui paient les menus frais de toute espèce, dont les capitaines leur tiennent compte ensuite. Ce sont eux encore qui fournissent les bateaux employés pour le transport des colis, de Whampou au débarcadère de Canton. Ils ont droit, pour tous ces services, à un salaire déterminé, indépendamment du bénéfice qu’ils réalisent sur les exportations