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odorant pour les riches et en bois grossier pour les pauvres. Ordinairement on laisse les vieillards de haut rang pendant trois semaines dans leur maison. Souvent même plusieurs mois, et quelquefois, dit-on, deux ou trois ans, précèdent l’inhumation. Cette dernière cérémonie n’a lieu qu’après qu’on a consulté les astres, et sous quelque conjonction propice. Les jeunes gens, même de bonne famille, sont enterrés tout de suite. Quant aux enfans de moins d’un an, on les jette tout simplement à l’eau, après leur avoir noirci la figure. Le cimetière de Canton occupe une grande étendue de terrain au pied des collines du nord. Les riches y reposent dans un emplacement séparé de celui des pauvres. Au moment où le cercueil est descendu en terre, on lâche plusieurs pétards. Au retour à la maison mortuaire, il y a grand dîner.

Parmi les cérémonies domestiques des Chinois, il en est une qui correspond au baptême. Outre les noms de famille ou sing, il y a ce qu’on pourrait appeler des noms individuels, et qui varient comme la destinée même du citoyen dont ils servent en quelque sorte à indiquer les principales phases. Le premier de ces noms, le ming, correspond exactement à notre nom de baptême et distingue entre eux les membres d’une même famille. Il est le même pour les deux sexes. On le donne à l’enfant un peu avant qu’il ait atteint l’âge d’un mois ; c’est alors aussi qu’on rase pour la première fois un garçon. La mère adresse des prières à Kouanin, déesse de la miséricorde, pour attirer sa bénédiction sur la tête de son jeune fils, et le père prononce son nom en présence de plusieurs témoins conviés aux fêtes qui suivent la cérémonie. Le tcho-ming (nom de livre ou nom d’écolier) se substitue au ming quand le jeune garçon vient pour la première fois prendre place sur les bancs de l’école. L’instituteur, s’agenouillant devant un pupitre sur lequel est inscrit le nom d’un des sages de l’antiquité, recommande l’élève à la protection de cet illustre patron. Il s’assied ensuite sur une espèce de trône, et l’enfant vient faire plusieurs génuflexions devant lui. — Quand, plus tard, heureux lauréat, le jeune homme, après avoir satisfait à de nombreuses et difficiles épreuves littéraires, entre dans la carrière des emplois publics, il prend son nom officiel ou kouang-ming. A l’époque du mariage, il change encore de nom, et c’est le beau-père qui alors joue le rôle de parrain. Le haou est une dénomination qui, s’il est devenu marchand, fera reconnaître le genre de son commerce ou son établissement. Enfin l’amitié même a ses noms d’affection que deux individus, pour célébrer une étroite liaison, se donnent réciproquement. Ces changemens de noms continuels entraînent de fréquentes méprises. Faute de savoir qu’une personne a quitté son ancien nom pour en prendre un plus harmonieux, un plus honorable, on est souvent la cause innocente d’un dépit aussi injuste que mal dissimulé, assez pareil à celui que fait éprouver l’oubli de la particule à quelque duc ou marquis de fraîche date.

La Chine a, nous l’avons dit, ses fêtes de famille et ses fêtes publiques. Le nouvel an chinois, qui tombe vers le commencement de février, est une de ces dernières. Aux approches du jour impatiemment attendu, la plupart des ateliers se ferment, la foule devient de plus en plus compacte dans les rues, et les voleurs, qui veulent aussi prendre leur part de la fête, se livrent à leur industrie avec une effrayante activité. On voit circuler gravement des individus qui portent, en signe de réjouissance, des branches d’arbres dépouillées de feuilles et parées de fleurs blanches, que l’on nomme téou-tchoung-fa. On s’envoie pour étrennes