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le vêtement des domestiques, mais en étoffe plus grossière, tantôt ils n’ont qu’un misérable pantalon ou une pièce de toile serrée à la ceinture, qui laisse nus le haut du corps et le bas des jambes.

Les accessoires jouent un grand rôle dans le costume chinois. Ce sont autant d’emblèmes qui précisent la position qu’occupe un citoyen dans l’état. Les fonctionnaires du gouvernement portent, dans les grandes cérémonies, sur la poitrine et sur le dos, deux plastrons de soie ornés de figures allégoriques. Les ministres de l’empereur sont reconnaissables à l’image de l’animal fabuleux et couvert d’écailles, nommé tchi-ning, brodée sur le plastron de devant, et à celle du dragon, que seul l’empereur a le droit de porter sur la poitrine, brodée sur le plastron de derrière. Ces ministres se divisent en deux catégories, les lettrés et les militaires : ceux-ci prennent place à la droite de l’empereur, et les premiers à sa gauche, qui est la place d’honneur.

Les divers fonctionnaires de l’état ou kouang, que les Européens sont convenus d’appeler mandarins (dénomination vicieuse et inconnue des Chinois), sont classés en neuf divisions, dont chacune comprend les deux catégories des lettrés et des militaires. Le plastron des lettrés ne représente que des oiseaux, et celui des guerriers que des quadrupèdes. La grue à ailes déployées désigne la première et la seconde classes des lettrés[1]. Des paons ou des oies sauvages également à ailes étendues caractérisent les troisième et quatrième classes. L’aigle et aussi, dit-on, le faisan argenté sont les signes des lettrés de la cinquième. Une espèce de canard sauvage, peut-être le canard mandarin, qui vit toujours accouplé, fait reconnaître les sixième et septième classes[2]. Enfin, les huitième et neuvième classes sont décorées du perroquet. La première et la deuxième classes des mandarins de guerre ont un lion pour emblème ; les troisième et quatrième, un tigre. La cinquième se pare d’une espèce de panthère, les sixième et septième, d’un léopard ou d’un chat sauvage. L’attribut de la huitième et de la neuvième classes est la licorne de mer.

Nous n’en avons pas fini avec ces détails du costume, qui ont en Chine une importance que les étrangers ne soupçonnent pas. Le bouton est un autre signe d’autorité, fixé par une virole au sommet du chapeau, et qui varie suivant la classe du fonctionnaire, abstraction faite de son caractère militaire ou civil. Le bouton de la première classe est rouge et un peu plus petit que les autres, qui ont généralement la grosseur d’une noix. C’est celui que porte le commissaire impérial Ki-ing. Les mandarins du second degré ont aussi un bouton rouge, mais orné de certains caractères. Ceux de troisième classe ont le bouton bleu foncé ; le bouton du quatrième degré est bleu-clair transparent ; le bouton du cinquième est en cristal blanc. La sixième classe a le bouton blanc opaque ; la septième, le bouton en cuivre[3]. Les boutons du huitième et du neuvième degrés

  1. Le déploiement des ailes est un signe de suprématie. Aussi les mandarins inférieurs ne peuvent-ils se permettre que des oiseaux à ailes ployées et levant une patte, comme pour indiquer l’intention de monter.
  2. Le canard mandarin est l’emblème de la tendresse et de la fidélité conjugales. Aussi, quand la discorde vient à éclater dans un ménage chinois, les deux époux se décident-ils souvent à manger un de ces canards, et la bonne harmonie, assure-t-on, tarde rarement à se rétablir à la suite du repas.
  3. Ce bouton n’est porté que par de petits mandarins. On achète le droit de s’en parer moyennant 300 piastres. On peut également acheter le droit de porter les boutons blancs.