plus petit, qui mène aux jardins nommés Fa-ti, consacrés non-seulement à la culture des fleurs, mais à celle des plantes rares et des arbres fruitiers. Les fleurs croissent dans des pots aux formes bizarres. Ce sont tantôt de petits éléphans, tantôt des buffles ou des rhinocéros en terre noire, dans le dos desquels on a pratiqué un ou deux trous par où l’on voit sortir la tige de la plante. Après ces deux canaux, la rive droite n’offre plus rien de remarquable.
On connaît maintenant les abords de Canton ; on a remonté les deux rives du Tcho-kiang. Il est temps de descendre à terre. L’Européen, à son arrivée à Canton, débarque dans le quartier des factoreries, où il est salué par les cris aigus d’une nuée de tankas, jeunes batelières chinoises qui viennent assaillir son embarcation mouillée à quelque distance des quais, en répétant : My boat, my boat, captain (mon bateau, mon bateau, capitaine). C’est à qui s’emparera des bagages de l’infortuné voyageur, qui voit, en quelques minutes, ses coffres dispersés entre une dizaine de tankas, dont chacune réclame son salaire, après avoir déposé sa charge sur le quai. Des bateaux longs de trois mètres au plus sont l’unique demeure de ces pauvres tankas dans toutes les saisons, la nuit comme le jour. Les ancêtres de ces batelières, émigrés de Formose, obtinrent jadis du gouvernement chinois la permission de venir habiter les côtes de la province du Kouang toung, mais à la condition de ne point fixer leur domicile à terre. On trouve dans les bateaux des tankas deux ou trois sièges plians, un petit fourneau, une espèce de grabat, des inscriptions, des gravures, de l’eau douce, du feu et quelques misérables alimens. Sur l’avant se tient une batelière armée de son aviron ; à l’arrière est placé un pilote féminin qui agite une sorte de rame-gouvernail, comme un poisson sa queue. La tanka a la tête enveloppée d’un mouchoir foncé qui ne permet d’apercevoir qu’une partie de son visage jaune et brûlé. Elle est vêtue d’une ample casaque bleue et de larges pantalons. Ses pieds sont toujours nus. Elle porte souvent, attaché sur son dos, un pauvre nourrisson, dont l’existence est un problème pour tout autre que pour sa mère, sans cesse obligée de soustraire ce précieux fardeaux à mille chocs, à mille accidens, et opposant à ces dangers toujours renaissans une adresse, une sollicitude infatigables.
Déjà les tankas vous ont déposé au milieu d’un tumulte étourdissant. Vous êtes devant la factorerie anglaise, qui s’élève en tête et à l’est de toutes les autres. Cette factorerie se compose d’un long passage bordé de maisons ; un petit débarcadère, ombragé par une touffe d’arbres, mène à ce passage, dont une partie sert de hangar. Parmi les habitations remarquables que renferme la factorerie britannique, on compte celles du consul et de MM. Jardine, Matheson et compagnie, l’une des plus puissantes maisons anglaises de la Chine, puis le hong du riche Hou-koua, fils d’un ancien haniste. Cette factorerie n’est destinée qu’à remplacer provisoirement l’ancienne, pillée en 1841, et détruite en 1842 par un incendie. Sur l’emplacement des bâtimens dévorés par les flammes, on élève en ce moment une factorerie nouvelle ; mais les constructions, qui occupent quelques centaines de travailleurs chinois, sont encore peu avancées. Déjà plusieurs fois elles ont été interrompues : la lecture de placards menaçans affichés dans les rues de Canton avait frappé les ouvriers de terreur. Cependant on s’attend aujourd’hui à voir les travaux achevés dans un assez court délai. Ces nouvelles factoreries subsisteront-elles long-temps ? Le sort de leurs aînées, brûlées ou pillées