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CANTON


ET LE


COMMERCE EUROPEEN EN CHINE.




I.

Depuis que la Chine s’est ouverte à l’Europe, ce ne sont plus seulement les mystères d’une civilisation presque ignorée qui nous attirent vers ce lointain pays : ce sont surtout les nouvelles richesses que promet au commerce de tous les peuples l’exploitation de ce marché immense. Désormais les relations publiées sur le Céleste Empire auront à satisfaire deux sortes d’exigences : celles du simple curieux qu’amuse le tableau d’une société bizarre, et celles de l’homme pratique qui veut connaître les résultats et la portée de cette précieuse conquête commerciale. Étudier, en visitant la Chine, des mœurs, des institutions peu connues, ce n’était là qu’une partie de ma tâche : je devais recueillir surtout les documens de nature à éclairer la question si importante, si mal jugée encore, de nos relations avec le Céleste Empire. Canton, première ville de ce pays où s’est arrêtée la mission française dont je faisais partie, unit le mouvement d’une grande cité chinoise à l’animation d’une des places commerciales les plus considérables du globe. C’était pour moi un double spectacle qui a dû se partager mon attention, et dont j’essaierai de retracer fidèlement ici les deux faces également curieuses.

Vers la fin d’août 1844, tous les membres de la mission placée sous les ordres de M. de Lagrené, envoyé extraordinaire de France en Chine, se trouvaient réunis à Macao. Les frégates la Cléopâtre et la Sirène, les corvettes la Victorieuse, la Sabine et l’Archimède, stationnaient dans le port de cette ville. Le commissaire impérial Ki-ing, chargé, depuis 1843, de toutes les négociations du gouvernement