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M. Robin, poursuivant ses premières recherches, a étendu ces résultats à diverses autres espèces de la famille des squales. Nous sommes bien convaincus qu’on ne s’arrêtera pas là, et que d’ici à quelques années on trouvera des faits sinon entièrement semblables, du moins très analogues, jusque chez les mammifères les plus élevés, jusque chez l’homme lui-même. Les résultats fournis à MM. Dujardin et Natalis Guillot par l’étude de la structure intime du foie semblent être une garantie certaine de succès pour les travaux entrepris dans cette direction.

En résumé, la circulation d’abord purement lacunaire, et par conséquent réduite à une sorte d’agitation vague, se régularise et devient de plus en plus vasculaire à mesure qu’on s’élève davantage dans l’échelle animale. C’est là le fait général, la tendance qui domine dans le perfectionnement progressif de l’appareil circulatoire.

Eh bien ! cette même tendance se retrouve dans les organismes en voie de formation, soit qu’on examine le développement d’un germe normal, soit qu’on étudie la manière dont se constituent certains tissus accidentels. L’aire veineuse où l’embryon du poulet semble puiser les premiers élémens nécessaires à son évolution ne présente d’abord qu’une sorte de disque membraneux creusé de lacunes irrégulières. Ce sont, ainsi que l’a dit M. Milne Edwards[1], comme autant de petits lacs de diverses grandeurs communiquant ensemble par des goulets tortueux. A mesure que le travail d’organisation avance, les goulets s’élargissent, les lacs se changent en fleuves, et bientôt ces canaux, d’abord simplement creusés dans la substance même des tissus, s’encaissant et se revêtant d’une membrane tubuleuse, passent à l’état de vaisseaux proprement dits. Des phénomènes tout pareils se passent dans les fausses membranes, qui trop souvent succèdent par exemple aux accidens inflammatoires d’une fluxion de poitrine. Là aussi la matière plastique, s’organisant sous l’influence désordonnée d’un surcroît de vie, se creuse de lacunes qui se changent en vaisseaux et ne tardent pas à se mettre en communication avec quelqu’une des branches préexistantes de l’arbre circulatoire. En présence de cette masse de faits empruntés à des sources si diverses, n’est-il pas raisonnable de penser que les choses se passent toujours de la même manière, et que partout la lacune a précédé le vaisseau ?

Telle est en effet la conclusion à laquelle est arrivé M. Milne Edwards, et par cela seul il s’est mis en opposition avec la théorie cellulaire due à M. Schwan, un des élèves les plus distingués du célèbre Müller. Selon le physiologiste allemand, toutes les parties du corps animal seraient primitivement composées de simples cellules. Cet élément universel se

  1. Observations sur la circulation. Annales des sciences naturelles, 1845.