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— En attendant, présentez-lui bien mes respects, répondait Félise d’un ton moitié sérieux, et assurez-la bien que je suis son humble servante.

Chaque fois que le nom de M. de Gandale revenait dans la conversation, un nuage rose passait sur le front d’Angèle : elle écoutait et se taisait en baissant la vue ; mais Félise ne remarqua pas cette rougeur, ce silence plus significatif que les discours, et elle ne soupçonna pas que ce fût là l’époux que Mme de Favras espérait donner à sa sœur.

Un soir, la jeune veuve dit en souriant à Félise : — Ma toute belle, j’ai conçu un grand dessein : les six dernières semaines de mon deuil sont expirées ; il ne serait point malséant que nous vissions un peu plus de monde. J’ai résolu d’avoir les violons un de ces jours. L’on dansera, l’on aura un petit concert, et nous ferons médianoche. Ne vous plairait-il point, ma reine, d’assister à ce gala ?

— Moi, je verrais le bal ! s’écria Félise en levant les mains au ciel, ah ! mon Dieu ! serait-il possible !

— Eh oui ! c’est possible, c’est facile même, dit Angèle en riant ; nous avons combiné cela avec Cécile toute la journée ; nous vous parerons de notre mieux, mon ange, avec une belle robe que nous ferons faire...

— Des robes, j’en ai par douzaines, interrompit Félise, et de fort belles, assurément ; c’est la mauvaise Suzanne qui me les achète, et je lui en demande toujours de nouvelles, par désœuvrement ; j’ai aussi des perles, des pierreries...

— Eh bien ! vous les mettrez, dit gaiement Cécile, il faut que vous soyez belle et parée à miracle...

— Oh ! ma chère Félise, ajouta Angèle, que je serai contente de vous conduire ainsi par la main jusqu’au milieu du salon, et de vous présenter à tout ce beau monde ! Que je serai glorieuse des éloges qu’on donnera à votre bonne grâce, à votre beauté !

— Je serai là comme Cendrillon au bal, dit naïvement Félise ; il ne me manquera que la petite pantoufle de verre...

— Et le fils du roi pour vous faire la cour, dit avec un franc éclat de rire Mme de Favras ; mon cher cœur, il faudra vous contenter de moins glorieuses conquêtes.

Pendant huit jours, Félise rêva à cette fête avec des transports de curiosité, d’impatience et de joie. Un soir enfin, un beau soir d’été, à l’heure où les rayons du crépuscule s’éteignent dans le ciel, elle s’échappa de chez sa tante, comme de coutume, et gagna le jardin de l’hôtel de Favras. L’on avait à dessein laissé dans l’ombre ce côté de la terrasse, que masquait d’ailleurs une légère charmille ; Félise put entrer sans être aperçue dans un pavillon du rez-de-chaussée, où l’attendait Angèle.

— Oh ! la magnifique parure ! vous êtes éblouissante, mignonne ! s’écria la jeune fille en la considérant d’un air ravi ; voilà des pierreries dignes d’une reine.