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et en la regardant avec tendresse ; s’il le faut, je forcerai votre inclination...

— Est-ce que vous voulez qu’elle prenne aussi un vieux mari goutteux ? demanda Félise presque courroucée.

— Non, non, répondit Cécile en riant. Celui que je voudrais lui donner pour époux est un jeune gentilhomme, beau, brave et galant, un cavalier accompli.

— Comme M. de Nemours ? dit gravement Félise.

— M. de Nemours ? répéta la jeune veuve. Vous connaissez quelqu’un qui se nomme ainsi ?

— Non, mais j’ai lu une partie de son histoire ; c’est un seigneur fort aimable, qui aime une grande dame mariée déjà par malheur, la princesse de Clèves. Ne pourriez-vous pas me dire si elle est devenue veuve enfin, et si elle a épousé M. de Nemours ?

— Eh ! mon Dieu, c’est le roman de Mlle de La Fayette que vous nous racontez là ! s’écria Cécile en riant et en la baisant au front ; il n’y a rien de vrai dans tout cela, simplette !

— C’est un conte comme Peau d’Ane ! murmura Félise un peu confuse ; cela m’avait semblé vrai pourtant ! — Et, changeant de propos, elle ajouta en regardant autour d’elle : — Que je suis aise de me trouver ici ! Une fois j’ai aperçu ce beau jardin sans me douter que j’y viendrais, que j’y rencontrerais mes bonnes amies, les deux Chameroy, comme on vous appelait au couvent.

— A présent, mon cœur, il faudra y revenir souvent, lui dit Angèle avec une affectueuse vivacité ; peut-être votre tante vous accorderait-elle la permission, si vous la demandiez, si nous-mêmes nous allions lui rendre une visite...

— Non, non, interrompit Félise ; si elle savait ce que j’ai fait ce soir, tout serait perdu ; elle m’empêcherait de vous revoir, j’en suis certaine.

— En ce cas, qu’elle l’ignore toujours ! répliqua gaiement Cécile. Le chemin que vous avez pris aujourd’hui n’a ni porte ni serrure, et, quoique peu commode, il ne cessera pas d’être praticable.

— Et nous, ma chère Félise, nous vous attendrons souvent ici, ajouta Angèle. Dès que le soleil baisse, nous venons nous promener sous les allées, et le soir nous veillons long-temps sur la terrasse pour respirer le grand air comme à la campagne.

— Et vous êtes toujours seules ? demanda Félise.

— Toujours jusqu’à présent, répondit-elle avec un sourire et en regardant sa sœur. Cécile vient de vous le dire : une jeune veuve ne peut recevoir les visites de tout le monde ; on ne trouverait point mauvais qu’il lui prît un jour fantaisie d’avoir des violons et de donner le bal, mais elle ne saurait, sans qu’on en médise, tenir un petit cercle chez elle. En vérité, nous vivrions comme des ermites, si quelques