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cependant tous ceux qui te rencontrent s’arrêtent en disant : Quel bel enfant ! Si une fleur qui commence déjà à se faner avait une ame étincelante et un souffle du ciel, et si elle portait, sur chacune de ses feuilles penchées vers la terre, au lieu d’une goutte de rosée une pensée angélique, une telle fleur te ressemblerait, ô mon enfant ! — Telles étaient peut-être les fleurs avant la chute d’Adam !

Un cimetière. — Le Comte et son fils auprès d’un tombeau gothique.
LE PÈRE.

Ote ton chapeau, mon enfant, et prie pour le repos de l’ame de ta mère.

L’ENFANT.

Je te salue, Marie, pleine de grace, reine du printemps et des fleurs.

LE PÈRE.

Que dis-tu ? As-tu oublié ta prière, que tu en changes les mots ?… Prie pour ta mère qui, il y a dix ans, mourait à cette même heure.

L’ENFANT.

Salut, Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre les anges, et, quand tu traverses les cieux, chaque ange arrache de ses ailes des plumes étincelantes et les jette sur ton passage… et tu marches dessus comme sur les flots de la mer.

LE PÈRE.

George, mon enfant, tu deviens fou !

L’ENFANT.

Ces paroles m’assaillent et me percent la tête ; il faut que je les dise.

LE PÈRE.

Lève-toi. Dieu n’exauce pas de telles prières. Ah ! tu n’as pas connu ta mère, tu ne peux pas l’aimer.

L’ENFANT.

Si, je vois souvent maman.

LE PÈRE.

Où donc, mon enfant ?

L’ENFANT.

En songe, c’est-à-dire au moment de m’endormir ; hier, par exemple…

LE PÈRE.

Mon enfant, que dis-tu là ?

L’ENFANT.

Elle est pâle et amaigrie.

LE PÈRE.

T’a-t-elle dit quelque chose ?

L’ENFANT.

Il me semblait qu’elle flottait dans la nuit, couverte d’une draperie blanche, et elle disait :

J’erre toujours ;
Partout je pénètre
Au milieu des chants des anges,
Parmi les harmonies des sphères ;