Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE MARI.

Autour de toi tu répands la lumière… Oh ! ta voix, que je l’entende encore une fois… et après que je meure !

LE FANTOME.

Cette femme qui te retient n’est qu’une illusion, sa vie n’est qu’une chimère ; son amour est comme une feuille qui tombe pour disparaître et s’anéantir parmi des milliers d’autres… Mais moi, je suis immortelle.

LA FEMME.

A mon secours ! Henri, à mon secours ! Je sens la vapeur du soufre et l’odeur des tombeaux.

LE MARI.

Ame d’argile et de boue, mets bas toute jalousie et ne blasphème pas ; ce que tu vois est l’idéal d’après lequel Dieu t’a conçue ; mais tu t’es laissé tenter par le serpent, et te voilà devenue ce que tu es.

LA FEMME.

Je serai toujours avec toi.

LE MARI, au fantôme.

O ma bien-aimée, pour te suivre j’abandonne ma maison. (Il sort.)

LA FEMME.

Henri ! Henri !

(Elle tombe évanouie avec son enfant. — Un coup de tonnerre se fait entendre.)

Le baptême. — Invités. — Le curé. — Le parrain et la marraine. — La nourrice et l’enfant. — La femme étendue sur le sofa. — Au fond les domestiques.
UN AMI.

Chose étonnante ! le comte n’est pas ici.

UN AUTRE AMI.

Vous savez combien il est distrait ; il nous aura oubliés. Peut-être fait-il de la poésie.

UN AMI.

Madame est très pâle ; elle semble n’avoir pas dormi… Elle ne nous a pas encore adressé un seul mot.

UN AMI.

Ce baptême me rappelle certain bal où l’amphitryon, après avoir perdu la veille, aux cartes, toute sa fortune, continue à recevoir son monde avec une politesse désespérée.

UN AMI.

Je quitte à l’instant ma charmante princesse ; j’arrive, croyant trouver un succulent déjeuner, et, au lieu de tout cela, je ne rencontre, comme dit l’Écriture, que pleurs et grincemens de dents.

LE CURÉ.

George-Stanislas, veux-tu recevoir le saint baptême ?

LE PARRAIN ET LA MARRAINE.

Je le veux.

UN AMI.

Voyez donc, madame semble s’être réveillée ; mais elle marche comme en proie à un rêve.