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l’Algérie ; sans lui, un très grand nombre de tribus arabes n’auraient pas eu, il y a deux ans, un morceau de pain à manger. « Nous croyions, dirent plusieurs cheiks à M. le gouverneur-général, qu’en ne cultivant pas, nous vous forcerions à quitter le pays ; mais nous voyons bien maintenant que c’est nous qui, sans votre blé, aurions été les victimes de cette mesure. » Une autre preuve de l’insuffisance de la production indigène en céréales est le prix élevé du pain dans presque toutes les villes de l’Algérie. D’après le dernier relevé annuel, les cours ont varié entre 40 et 60 centimes le kilogramme, prix que la vente au détail n’atteint pas à Paris.

La concurrence des indigènes cessera donc peu à peu d’être un épouvantail pour nos colons. Déjà l’un d’eux vient de déclarer, dans une brochure publiée récemment, que, les laboureurs africains n’étant plus à craindre, le salut de la colonie serait assuré si l’on éloignait par des taxes prohibitives la concurrence des blés extérieurs. L’instant est mal choisi pour solliciter un pareil monopole. Rien ne nous prouve d’ailleurs qu’il aurait l’excuse de la nécessité. M. Moll nous apprend qu’avec un hectolitre et demi de semence confiée à une bonne terre, bien fumée et arrosée, s’il est possible, trois ou quatre fois, on doit récolter par hectare 20 à 25 hectolitres d’un grain bien nourri. Cette espérance n’est-elle pas magnifique ? Elle atteint dès le début les puissans résultats de l’agriculture anglaise, qui multiplie la semence par 22. Deux départemens où la population exubérante fournit très abondamment l’engrais, le Nord et la Seine, atteignent seuls ce chiffre. Pour la France entière, la moyenne est de 12. Avec les procédés économiques indiqués par M. Moll pour les semailles, la moisson et le battage des grains, avec le perfectionnement des moyens de transport, n’arriverait-on pas à produire la première des denrées commerciales à des conditions qui permettraient de défier la concurrence locale ou extérieure ? La réponse ne nous paraît pas douteuse.

D’autres céréales donneront des résultats non moins encourageans. L’orge, qui fournit la paille la meilleure et la plus abondante, et dont le grain est la principale nourriture des chevaux en Algérie, promet en bonne culture, suivant M. Moll, un rendement beaucoup plus considérable encore que le froment. 30 à 40 hectolitres par hectare, à un prix moyen établi, d’après les derniers cours, entre 10 et 15 fr., constitueraient un revenu brut très élevé. On avait compté sur la culture du riz, qui, en effet, réussirait à merveille, et donnerait les plus beaux, bénéfices ; mais peut-être sera-t-il prudent de l’interdire pour cause d’insalubrité. Nos cultivateurs trouveront des dédommagemens dans la culture du maïs et de divers autres granifères qu’ils devront essayer pour la vente ou pour la basse-cour.

Les farineux, les légumes, les racines, qui fournissent en Europe la