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REVUE. — CHRONIQUE.

les plus diverses, on baissa les droits sur quinze ou vingt articles, on les éleva sur le reste, et il varièrent ainsi de 5 pour 100 jusqu’à 100 pour 100. C’était l’esprit du parti démocratique qui avait réclamé primitivement l’abaissement universel et absolu du tarif conservateur de 1842 ; les circonstances ne permettant plus de donner à l’importation des facilités aussi libérales, ce fut encore suivant l’esprit démocratique que l’on arrangea les restrictions. Le commerce des objets de luxe sera toujours nécessairement moins favorisé par le législateur que celui des objets de première nécessité, mais il ne faut pas oublier, cependant, que l’importation de ces objets en apparence inutiles peut et doit être compensée comme celle des autres par l’exportation des denrées et des produits achetés au laboureur ou payés à l’ouvrier. Les démocrates américains ont jusqu’ici manque totalement à cette sage réserve, et ils ne sont pas très loin de l’absurde doctrine des lois somptuaires. Quand donc il fallut se procurer de l’argent et renoncer par conséquent à l’idée d’un tarif également réduit, on s’y prit de la façon qu’on a pu voir : on baissa seulement les droits sur les cotonnades et les fers par honneur pour les principes moraux du parti ; on chargea d’autant les articles de luxe ou de jouissance pour regagner la différence qu’on perdait par comparaison avec le tarif de 1842.

Maintenant qu’arrive-t-il ? Les Pensylvaniens sont grands marchands de fer et de charbon, l’on fabrique des cotonnades dans les six états de la Nouvelle-Angleterre. Marchands et fabricans s’étaient habitués volontiers aux douceurs du régime protecteur de 1842, ils ne sont point du tout contens de voir affluer chez eux les produits manufactures de l’Angleterre, et ne se résignent pas à souffrir cette redoutable concurrence pour récompenser les Anglais d’avoir ouvert leurs ports aux grains et aux cotons des fermiers et des planteurs du sud. De la vient leur mauvaise humeur, de là cette contradiction extraordinaire entre les opinions accoutumées du New-Hampshire, du Maine, et leurs dernières manifestations électorales, de là enfin les embarras de M Polk entre une guerre commencée pour assurer la domination de son parti et la désertion commençante de ce parti lui-même, suite presque immédiate de cette guerre dont il ne veut point payer les frais.

Par une curieuse coïncidence, pendant que les démocrates reviennent ainsi à des idées plus restrictives en matière de tarifs, les whigs ou tout au moins les plus jeunes membres de l’ancien parti protectionniste, admettent des idées plus libérales. Chacun avançant ainsi de son côté, il y aurait nécessairement un point où l’on se rencontrerait, à distance égale des extrémités opposées du free-trade et de la prohibition. L’exemple de l’Angleterre et le nom de M. Cobden ont eu un grand retentissement dans les centres manufacturiers. On se dit, on imprime que l’on n’a pas besoin d’une protection aussi rigoureuse que le voulaient M. Henry Clay et ses amis pour supporter chez soi la concurrence étrangère, puisqu’on lui résiste sur les marchés du dehors. Il apparaît ainsi une opinion véritablement moyenne, et l’on peut suivre dans ces circulaires politiques, dans ces adresses aux électeurs ou au pays qui remplissent les journaux américains, l’expression toujours vive d’idées mélangées sont l’ensemble n’est ni exclusivement whig, ni exclusivement démocratique. On remercie Dieu d’avoir conservé la paix entre l’Angleterre et l’Amérique, « entre la mère et la fille, grace aux efforts de la portion réfléchie des deux peuples, des sages, des