elle s’élance au-devant de l’inconnu ; elle appelle l’agitation comme une joie souveraine et toute-puissante. Dans son égarement, elle flétrit la paix comme une lâcheté ; elle invoque la douleur comme une occasion d’héroïsme et d’abnégation. Un tel personnage, on le comprend sans peine, convient merveilleusement à l’expression de la pensée choisie par M. Sandeau. L’auteur a placé Marianna entre la passion défaillante qui s’appelle George Bussy et la passion naissante qui s’appelle Henri de Felquières. Dans le premier de ces deux personnages, Marianna trouve son bourreau ; dans le second, sa victime. Les élémens de ce drame mystérieux une fois mis en présence, l’action se prépare, se noue et se dénoue avec une simplicité, une rigueur, une rapidité qui ne permet pas à l’attention de languir ou de se lasser un seul instant. George, après avoir brisé sans retour le bonheur de Marianna, après l’avoir arrachée à ses devoirs, à sa famille, la rejette loin de lui comme un vêtement usé, et lui déclare sans pitié qu’il n’a plus à lui offrir que l’oubli et l’abandon. Il voit ses larmes sans pleurer, il écoute ses sanglots avec impatience, avec colère, et se venge sur elle des tortures qu’il a subies aux jours de sa jeunesse. Marianna, après avoir épuisé la prière, après s’être agenouillée aux pieds de son amant, l’accuse enfin d’ingratitude et le maudit. C’est à peine si elle comprend les dernières paroles, les paroles prophétiques de Bussy. Bientôt la victime se transforme et devient bourreau à son tour Henry de Felquières, témoin des derniers adieux de George et de Marianna, s’attache à la pauvre délaissée, épie chacun de ses pas, cherche à la consoler, se fait de son bonheur un devoir impérieux, la sauve du désespoir, la dispute, la ravit aux flots qui allaient l’engloutir, et lui offre sa vie tout entière pour effacer jusqu’au souvenir de sa douleur. Vains efforts ! le cœur de Marianna, épuisé par la souffrance, ne retrouve pas assez de vigueur pour aimer. Après plus d’un combat livré à son impuissance, elle s’avoue sa défaite et n’aspire plus qu’au repos. Dès qu’elle a mesuré le néant de ses espérances, dès qu’elle a compris l’obstination et l’impatience de la passion qu’elle inspire et ne peut partager, elle se révolte et passe bientôt de l’abattement à la colère. Dès ce moment, Henry est perdu : Marianna a pris le rôle de George ; Henry, le rôle de Marianna. Cette péripétie, quoique facile à prévoir, n’a pourtant rien d’apprêté ; tous les développemens de la passion, toutes les phases de l’enthousiasme et du découragement, de l’attendrissement, de la compassion et de la colère, sont racontés avec un entraînement, une clarté, qui ne permettent jamais de deviner le philosophe sous le poète. Marianna traite à son tour Henry de Felguières comme l’avait traitée George Bussy ; elle voit sans pitié les souffrances de sa victime. Enchaînée par une force inexorable, elle assiste sans frémir, sans frissonner, au supplice, aux déchiremens du cœur qui s’était donné à elle tout entier, sans réserve,
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