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naturellement sur eux que l’on doit faire porter les premiers efforts. Supposons qu’une monnaie antique, par exemple, porte à la fois une légende grecque et phénicienne, et que de plus la légende grecque n’offre que le nom de la ville ou du peuple pour lequel cette monnaie a été fabriquée : il sera tout naturel d’admettre a priori, mais en se réservant de chercher plus tard la confirmation de cette hypothèse, que la légende phénicienne contient exactement la même chose, c’est-à-dire le nom de la même ville ou du même peuple. Dès-lors, si l’on connaît ces noms tels qu’ils s’écrivaient dans la langue hébraïque, il y aura toute raison de s’assurer d’abord si l’arrangement des lettres et la longueur des légendes à déchiffrer s’accordent bien avec ce que l’on s’attend à trouver. Si, de plus, ces légendes phéniciennes présentent des lettres identiques placées précisément au point que leur assigne l’hypothèse toute simple et toute rationnelle de laquelle on part, il y a là déjà plus qu’une présomption en faveur de la légitimité de cette hypothèse. C’est précisément ce qui s’est rencontré dans l’étude des monnaies antiques de Tyr et de Sidon. Les noms de ces deux illustres cités nous étaient transmis par la Bible ; il ne s’agissait donc plus que de reconnaître si l’arrangement orthographique des légendes phéniciennes, mises en regard sur ces monnaies avec des légendes grecques parfaitement explicites, fournissait précisément les noms hébraïques cherchés. Cela n’a pas manqué d’arriver. Il y avait donc un premier pas de fait ; mais le terrain sur lequel ce premier pas avait été imprimé avait besoin encore d’être sondé avec précaution, parce que dans les recherches de ce genre il est toujours sage de se tenir en garde contre les succès trop séduisans au premier abord. Heureusement les confirmations ne se sont pas fait attendre. Les candélabres de Malte portaient aussi une inscription bilingue ; plusieurs épitaphes déterrées au Pirée étaient également conçues en phénicien et en grec ; dès-lors, on était en possession de plusieurs noms propres dont l’expression devait forcément fournir à l’analyse, opérée avec réserve, des élémens alphabétiques nombreux et indubitables. Ces élémens une fois déterminés, on a pu procéder à la transcription en caractères hébraïques des mots insérés dans les textes en question et autres que les noms propres. Le sens du contexte dans lequel ces mots se trouvaient compris était fixé à l’avance par le sens de la contre-partie grecque, et dès-lors ceux des mots cherchés dont la transcription était complète pouvaient immédiatement être comparés aux radicaux fournis par les lexiques hébraïques. Comme le sens obtenu de cette façon a toujours, sans exception, coïncidé nettement avec le sens à trouver, ce seul fait est plus que suffisant pour démontrer que les valeurs alphabétiques déjà déterminées l’avaient été heureusement et ne comportaient pas d’erreurs de lecture. Il est bien clair aussi que, puisqu’il s’agissait d’une