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aux règles de lecture si bien fixées par Kopp quelques années auparavant, Gesenius, tout en les préconisant à chaque page, n’a pas craint de les perdre de vue assez souvent pour encourir le blâme qu’il avait si justement infligé à Hamaker. Disons-le donc sans réticence, Gesenius, avec toute sa science et toute sa critique, a quelquefois fait lui-même ce qu’il reprochait avec raison à ses devanciers. Il a cru deviner un sens d’abord, et alors il lui a bien fallu faire plier la lettre pour légitimer ce sens qu’il ne voulait plus abandonner. En un mot, pour s’épargner la mortification de ne pas tout expliquer, Gesenius a mieux aimé torturer la lettre que de dire : Je ne comprends pas.

Depuis l’apparition du livre de Gesenius, quelques excellens articles, publiés dans le Journal des Savans par M. Etienne Quatremère, ont ramené les études phéniciennes dans la bonne voie, dont aucun nouvel essai ne saurait plus les écarter, il faut bien l’espérer. Ainsi M. Quatremère a suffisamment établi que tous les efforts tentés et à tenter pour faire ressortir de la lecture des monumens les plus humbles des données historiques relatives à des personnages appartenant aux dynasties phéniciennes ou puniques demeureraient très probablement toujours frappés de stérilité, qu’on devait se contenter d’y chercher de modestes épitaphes ou de simples offrandes adressées par des hommes obscurs à la Divinité, soit en actions de grâce, soit pour solliciter les faveurs du ciel ; qu’enfin il était toujours sage a priori de se méfier grandement de toutes les interprétations qui fournissaient des textes où le merveilleux s’alliait nécessairement au ridicule.

Dans les quatre dernières années, M. le docteur Judas a publié quelques mémoires intéressans sur l’épigraphie phénicienne et punique. M. Lindberg a fait paraître une charmante notice sur les monnaies de Lixsus. De toutes les publications de ce genre, la plus récente, comme la plus inattendue, est celle que vient de faire paraître M. le général Du vivier pour annoncer aux savans que, jusqu’à lui, tout le monde, sans exception, s’est trompé dans l’appréciation des épigraphes phéniciennes et puniques. Espérons que nous serons bientôt en possession de la clé mystérieuse qu’il a découverte, et qui peut seule donner accès aux explications que nous ne connaissons encore qu’en partie. Je ne verrai substituer qu’avec un très grand regret, je l’avoue, ces interprétations quelque peu ambitieuses aux humbles versions dans lesquelles j’ai eu foi jusqu’ici, et qui, je le crains bien, garderont toute ma prédilection.

Le travail complet que promet M. Duvivier n’est pas le seul qui se prépare en ce moment, et je ne crois pas commettre d’indiscrétion en disant que M. le docteur Judas s’occupe de refaire un recueil comme celui de Gesenius sur un nouveau plan, et en évitant les erreurs dans