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obtenu la lecture matérielle. Ainsi Kopp, tout en relevant sévèrement les erreurs de ses devanciers, n’a pas toujours su les éviter pour son propre compte.

Vers cette époque, la terre d’Afrique, explorée pour la première fois avec ardeur par des hommes tels que Badia, Camille Borgia, Humbert, Falbe, Scheele et Temple, commençait à payer son tribut aux collections épigraphiques de l’Europe. Les inscriptions puniques exhumées du sol de Carthage même, de Bedj et d’El-Keff, venaient enrichir les musées de Londres, de Leyde, de Copenhague et de Naples. En 1821, Humbert faisait paraître à La Haye une notice sur quatre cippes sépulcraux qu’il avait recueillis pendant un séjour de quatorze années dans la régence de Tunis. Deux ans après, Hamaker, professeur de langues orientales à l’université de Leyde, entrait en lice à son tour, et partant, à ce qu’il paraît, d’un principe opposé à celui que Kopp avait si sagement établi, il prétendait tout expliquer d’abord, sauf à lire ensuite. On prévoit tout ce que cette méthode de déchiffrement et d’interprétation a dû procurer de découvertes étranges à Hamaker. Il est fâcheux, disons-le nettement, d’attacher son nom à des rêveries aussi malencontreuses que celles dont cet auteur a voulu doter le monde savant. D’un autre côté, l’abbé Arri donnait à Turin la traduction d’une inscription découverte en Sardaigne, et dans laquelle il avait le malheur de retrouver la première page de l’histoire punico-sarde : cette chance était beaucoup trop belle pour qu’elle fût réelle. Heureusement tout le monde ne marchait pas dans la même voie, et, pendant que les uns tournaient bravement le dos à la vérité tout en croyant aller à sa rencontre, d’autres, n’écoutant que les conseils de la plus saine critique, s’efforçaient d’assurer leur marche en rejetant loin de leur route toutes les explications fantastiques dont on s’était plu à l’obstruer. Ainsi Étienne Quatremère à Paris, Lindberg à Copenhague, Gesenius à Leipzig, protestaient de toutes leurs forces contre la tendance à chercher toujours un sens merveilleux dans les inscriptions appliquées sur des monumens tellement humbles, que, rien qu’à les voir, il était tout naturel de conclure que la pauvreté des idées exprimées devait être en rapport, à peu de chose près, avec la pauvreté de la matière et de l’exécution.

En 1837 parut enfin le recueil de Gesenius intitulé Tous les Monumens de l’écriture et de la langue phénicienne, et l’on put croire, à l’annonce de ce livre curieux, que le dernier mot allait être dit sur l’épigraphie phénicienne et punique. Jusqu’alors, en effet, l’auteur avait joint à sa merveilleuse érudition philologique une grande sobriété d’hypothèses et une constante soumission aux conseils du bon sens, mais à son tour il ne sut pas s’affranchir de la velléité de chercher parfois des pensées extraordinaires dans les textes en apparence les plus vulgaires. Quant