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puissant, d’un travail sans limites, et le travail est la première des richesses, il est la richesse même.

D’un autre point de vue et sous une autre forme, on peut mesurer à quelle petite masse de matière se réduit cette production de métaux précieux qui a occupé et occupe tant de bras, qui a excité tant d’ambitions, assouvi tant de passions, fait commettre tant de cruautés, et provoqué tant de travaux.

Tout l’argent qui est sorti des mines du Nouveau-Monde formerait un volume de 11,477 mètres cubes : l’or n’en représente que 149.

En d’autres termes, tout l’argent qu’on a retiré de ces nombreux filons, de ces filons qu’à bon droit j’ai pu appeler géans, ferait une sphère dont le rayon n’aurait que quatorze mètres, et qui, placée à côté de la colonne Vendôme, n’atteindrait qu’aux deux tiers de la hauteur.

Quant à l’or, c’est une quantité singulièrement exiguë. On est presque confondu de trouver que tout cet or du Nouveau-Monde, sur l’abondance duquel on a fait tant de fables, dont on avait dit, par exemple, que la seule rançon de l’inca Atahualpa avait comblé un temple[1], ne remplirait pas à moitié le salon d’un bourgeois de Paris qui aurait cinq mètres d’élévation sur huit mètres de long et huit mètres de large. Ces quantités si faibles intrinsèquement ont cependant suffi pour produire dans le commerce une révolution dont les conséquences politiques et sociales ont été immenses.


MICHEL CHEVALIER.

  1. Celui de Caxamarca, dont les ruines se voient encore.