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pour les charrois[1] ou servant de chevaux de poste. Dans la province montagneuse d’Antioquia (Nouvelle-Grenade), non pas seulement dans les mines, mais dans de longs voyages, d’un revers à l’autre de la Cordillère, on va à homme comme chez nous à cheval. Dans les mines du Mexique, l’homme remplit aussi cet office, moyennant un bon salaire cependant. A la Valenciana, lorsque les chefs de l’exploitation visitaient les travaux, ils se faisaient porter par des hommes qui avaient une espèce de selle au dos et qu’on désignait sous le nom de petits chevaux (cavalitos). Sur d’autres points, c’est le contraste des denrées les plus communes chez nous à un taux incroyable et de l’or à vil prix : un baril de farine à 350, 400 et même 450 fr., le même qu’à New-York ou à Bordeaux on livre communément à 25 fr., et cela en un pays d’une fertilité extrême ; le fer à 4,500 fr. la tonne, qu’en Angleterre on obtient pour 175 fr. Ne dirait-on pas d’un coin de la lune ou d’Uranus ? Les prix que je viens de transcrire sont ceux que cite M. de Humboldt au sujet de la province de Choco (Nouvelle-Grenade) ; ils se rapportent au commencement du siècle. Les choses ont dû changer un peu depuis ; mais voici un fait contemporain presque de la même force : qu’on imagine à quel prix doit revenir le travail de mulets comme ceux des mines mexicaines de Guadalupe y Calvo, qu’on nourrit avec des fourrages, de l’orge ou du maïs, apportés à dos de bête de quatre-vingts lieues !

Ailleurs les frais de commission ou de change sont cent fois ce qu’ils seraient en Europe. Dans les départemens du nord du Mexique, des lingots d’argent garantis par l’essai se troquent contre des espèces avec une perte de 10 et de 15 pour 100. Ou a vu cet escompte monter à 40 pour 100[2]. En France maintenant, ce serait de 1 ou 2 francs par

  1. « Les Indiens tenateros (qui font le transport intérieur), que l’on peut considérer comme tes bêtes de somme des mines du Mexique, restent chargés d’un poids de 225 à 350 livres pendant l’espace de six heures. Dans les galeries de Valenciana et de Rajas, ils sont exposés à une température de 22 à 25 degrés Réaumur (27 degrés 1/2 à 31 1/4 centigrades). Ils montent et descendent pendant ce temps plusieurs milliers de gradins, par des puits inclinés de plus de 30 degrés. On rencontre dans les mines des files de 50 à 60 de ces portefaix, parmi lesquels il j a des vieillards sexagénaires et des enfans de dix à douze ans. On ne peut se lasser d’admirer la force musculaire des tenateros indiens et métis de Guanaxuato, surtout lorsqu’on se sent excédé de fatigue en sortant de la plus grande profondeur de la mine de Valenciana sans avoir été chargé du poids le plus léger. » (Humboldt, Nouvelle-Espagne, III, 242-243.)
    M. Duport, qui donne des renseignemens de la date la plus fraîche (1842), dit que les transports intérieurs se font encore de même. Il est bon de rappeler que ce travail des Indiens est volontaire. Ils reçoivent des salaires triples ou quadruples de ceux des laboureurs.
  2. A Guadalupe y Calvo. Ce prix exorbitant est motivé par les distances énormes qui séparent les mines du nord des pays habités, et par les dangers auxquels sont exposées des valeurs en voyage.