discernement des récompenses honorifiques, des titres, des pairies, aux citoyens les plus éminens. Enfin le conseil législatif (la chambre aristocratique) est placé en dehors du contrôle populaire, mais il est en même temps aussi peu soumis que possible à l’influence de la prérogative royale.
Opposera-t-on à ce beau plan l’exemple des colonies américaines? L’écrivain anglais repousse de son mieux cette assimilation inévitable. D’où vient cependant qu’à l’exception des taxes directes, les griefs du Canada, en 1837, étaient les mêmes que ceux de l’Amérique en 1776? Et d’où vient encore qu’en décrivant la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, Cap-Breton, voire l’île du Prince-Edouard, notre touriste est obligé de signaler partout des agitations politiques, — mouvemens dont il se moque, et qu’il appelle des tempêtes dans un moutardier (mustard pot storms), — mais qui n’en trahissent pas moins la disposition de ces peuples naissans à s’affranchir d’une protection que sans doute ils s’imaginent acquérir à trop haut prix ?
Au contraire, tout prévenu qu’il était, au début de son livre, contre les Américains et leurs dispositions envahissantes, l’auteur d’Hochelaga est contraint, à mesure qu’il les voit de près, de rendre justice à ces énergiques civilisateurs du Nouveau-Monde. Qu’ils mâchent du tabac, qu’ils mangent sans élégance, qu’ils se tiennent mal dans le monde, et que leur curiosité naïve empiète souvent sur la réserve polie du voyageur, voilà ce qu’il constate avec soin; mais ces grands crimes ne peuvent cependant l’aveugler sur le bon sens, la vigueur morale, l’esprit de suite, le courage entreprenant, la cordialité hospitalière de ces braves gens si mal élevés. Ces grossiers républicains ont un sentiment si exquis de certains devoirs essentiels, qu’une jeune femme voyagerait seule d’un bout de l’Union à l’autre, sans avoir à craindre, non pas une insulte, mais une parole inconvenante. Le voyageur est partout accueilli avec bienveillance; l’esprit national, poussé fort loin, n’exclut pas une attention tolérante à ses remarques, fussent-elles défavorables; et si sérieux, si exclusivement occupés d’affaires qu’on se les représente, les Américains savent à merveille le prix d’une bonne plaisanterie, d’une vive réplique, même lorsqu’elle est dirigée contre eux. En revanche, ils mettent le plus grand soin à ne jamais choquer les préventions, l’amour-propre, les antipathies nationales de l’étranger qui vient s’asseoir à leur foyer, et, dans tout le cours de sa tournée en Amérique, l’écrivain anglais n’a pu citer qu’un seul échantillon de cette humeur bourrue, de cette malveillance jalouse que les touristes de la Grande-Bretagne ne manquent guère d’attribuer à frère Jonathan par rapport à John Bull. Encore s’agit-il d’un cordonnier qui retarda méchamment je ne sais quelle réparation urgente aux souliers du voyageur, pour lui faire manquer le convoi du chemin de fer. On conviendra que l’exemple n’est pas des plus concluans. Nous préférons, comme plus significative, une autre