commerce extérieur du Canada semble devoir s’y centraliser peu à peu. Par suite des animosités électorales, les dissentimens politiques y éclatent aussi avec plus d’amertume que parmi les habitans de Québec ou de Kingston; la société s’y partage en coteries plus nombreuses et plus exclusives; bref, notre touriste, qui rend complètement justice à la beauté des édifices, aux instincts entreprenans de la population, aux rapides progrès de l’industrie qui se manifestent à Montréal, ne paraît pas avoir éprouvé de vifs regrets en quittant cette ville.
Le voyage de Montréal à Kingston se fait partie en diligence, partie en bateau à vapeur; on relaie naturellement à chaque chute, et on franchit en voiture la distance que les steamers ne parcourent pas encore. Dans très peu de temps, à l’aide d’une canalisation latérale, la navigation du Saint-Laurent ne sera plus interrompue par les rapides, et, du golfe où se jette le grand fleuve, on arrivera jusqu’au dernier des lacs canadiens sans mettre pied à terre. Kingston est une ville assez triste, d’aspect misérable, et qui a perdu la plus grande partie de son importance le jour où elle a cessé d’être le chef-lieu de la colonie. Le voisinage de l’Amérique y est beaucoup plus sensible que partout ailleurs : les eaux minérales, le bon marché des subsistances, les ressources que ses environs offrent aux chasseurs et aux pêcheurs, y attirent un grand nombre d’officiers en retraite, d’employés réformés, etc. Les anciens marins surtout, dont le plus grand plaisir est de naviguer encore, trouvent à satisfaire, sur le lac Ontario, cette innocente manie.
En 1813, ce lac fut le théâtre de plus d’un combat où la fortune favorisa les Américains. La flottille anglaise y fut entièrement prise ou détruite par le commodore Chauncey. En général, pendant ces guerres dont les grandes catastrophes européennes annulèrent l’importance, et dont elles ont effacé le souvenir, la marine américaine fit des prodiges, et presque toujours, dans les rares occasions où il lui fut donné de combattre à forces égales les vaisseaux anglais, ceux-ci durent baisser pavillon. Qui sait si, dans le développement des destinées nationales, l’Amérique ne sera pas la rivale maritime de la Grande-Bretagne, et si ce n’est pas à elle qu’est réservé l’honneur de briser cette suprématie contre laquelle aujourd’hui l’Europe entière ne saurait prévaloir?
C’est au bord des lacs que viennent en général s’établir les émigrés anglais ou irlandais que la métropole envoie au Canada ; mais ces arrivages annuels de vingt-cinq à trente mille habitans se font à peine sentir dans ces immenses districts. « Le désert insatiable les absorbe, dit énergiquement l’auteur d’Hochelaga, et crie aussitôt pour en avoir d’autres. » Les salaires sont très élevés; un fermier habile réalise des profits considérables. Malheureusement la nature a mis une barrière infranchissable entre l’Angleterre et le Canada pendant cinq mois de l’année, et, l’an dernier encore, de nombreux naufrages ont prouvé