atteintes, les plus dangereuses comme les plus imprévues; mais, quand son regard s’éteignit, quand le trépas eut raidi ses membres agiles et nerveux, ils vinrent tous contempler l’ennemi tombé.
Quant à notre gentleman, il éprouvait un singulier mélange de désappointement, de confusion et même de remords. Cette boucherie dont il était le principal agent, il ne pouvait de sang-froid la contempler sans dégoût; et tandis qu’il suivait de l’œil, assis sur des sapins qu’on venait d’abattre, l’odieux travail de dépècement qui précède la curée, il commençait à se repentir d’être venu chercher si loin et à si grands frais un plaisir de cannibale. Il s’égaya cependant vers le soir, et, pour célébrer son triomphe, il inventa une illumination d’un nouveau genre. L’écorce des bouleaux, en cette saison de l’année, détachée du tronc et des branches, est un combustible très actif; elle donne une flamme rouge et brûle assez long-temps avec une odeur qui ressemble à celle du camphre. Nos voyageurs saisirent chacun une torche et, dispersant de tous côtés leurs Indiens armés de même, ils s’amusèrent à mettre le feu au pied des pins et des bouleaux qui environnaient leur gîte nocturne. Une cinquantaine de ces arbres furent bientôt en flammes. Dans un parc anglais, dont ils eussent fait la gloire, cet incendie eût coûté deux ou trois mille liv. sterl.; dans un ravagé du Canada, il ne coûta pas même un remords à nos hasardeux touristes. « Nous étions, dit le narrateur, à deux journées de l’habitation la plus voisine. Il s’écoulera peut-être des années avant qu’un être humain revienne dans ces déserts glacés; il s’écoulera des siècles avant que personne songe à y fonder un établissement régulier. Comment aurions-nous regretté notre somptueuse illumination? »
De retour à Québec, après six jours de fatigue, — six journées cruelles durant lesquelles nos gentlemen n’avaient fait usage ni du savon de Windsor ni des rasoirs Mac-Daniell, — notre voyageur nous conduit à la prise de voile de deux jeunes filles catholiques. Plus tard, il nous raconte l’incendie qui par deux fois, l’année dernière, ravagea l’ex-capitale du Canada. Un singulier concours de circonstances donna au second de ces désastres l’apparence d’une prophétie réalisée. Après le premier incendie, qui eut lieu le 28 mai 1845, une terreur superstitieuse, dont l’origine n’a pu être constatée, s’empara de la population, et le bruit se répandit que les quartiers épargnés cette fois devaient être bientôt détruits. On fixa même le jour où il fallait s’attendre à subir cette nouvelle calamité. Ce devait être un mois, jour pour jour, après le terrible événement du 28 mai. Le 28 juin, rien n’annonçait que ces craintes absurdes dussent être justifiées. Il faisait très chaud; la journée se passa sans accident. Le soir, une assez forte brise s’élève tout à coup, balayant la poussière des rues désertes et silencieuses. A onze heures, à onze heures et demie, rien n’avait encore bougé. Les plus timides se