fallait passer la nuit. Ce trou avait vingt pieds de long sur douze de large; quelques jeunes sapins arc-boutés les uns contre les autres et fichés dans l’espèce de levée que formait la neige rejetée sur les bords de cette espèce de puits, soutenaient le toit, où l’écorce du bouleau, pareille à du cuir et découpée en longues bandes, remplaçait la tuile et l’ardoise. Deux lacunes, ménagées dans ce treillis végétal, servaient de porte et de cheminée. Le foyer, en guise de dalles, avait deux énormes troncs de bois vert sur lequel on empila plusieurs fagots secs. La neige entassée contre les parois, aux deux extrémités de ce dortoir improvisé, fournissait des oreillers d’une blancheur séduisante, et les pieds des voyageurs convergeant vers le foyer central, ils se trouvaient en passe d’obéir strictement aux sages prescriptions de l’école de Salerne, trop connues pour les rappeler ici. Les matelas étaient des troncs de sapin, les couvertures et les draps des robes en peau de buffle; tout le mobilier à l’avenant. Ainsi le chaudron en cuivre où cuisait le souper des chasseurs, — du porc, des pois et du biscuit pêle-mêle dans la neige fondue, — pendait aux poutres du toit, à l’aide d’une longue tresse de branches vertes. Des rouleaux d’écorce, pris entre les deux branches d’un bâton fendu, fiché dans la neige, figuraient des bougies dans leurs candélabres. Mais au milieu de ce dénûment général, — admirez la ténacité des habitudes anglaises, — le thé ne manquait pas, et mêlait ses aromatiques émanations à celles de la gamelle indienne. Les chiens, systématiquement exclus du souper et même de l’habitation, hurlaient aux alentours et cherchaient de temps en temps à se glisser inaperçus jusqu’auprès du foyer; alors les Indiens, occupés à marmotter leur rosaire, s’interrompaient tout à coup pour les chasser à grands renforts d’affreux blasphèmes.
«Vers minuit, raconte le voyageur, je m’éveillai sous l’étreinte d’une main vigoureuse qui, me semblait-il, serrait mes épaules comme dans un étau : — c’était le froid. Le feu cependant jetait de vives lueurs, et nos pieds en étaient si voisins, que nos robes fourrées commençaient à roussir; mais, nonobstant toutes nos précautions, toutes les couvertures dont nous étions surchargés, nous courions grand risque d’avoir la tête gelée : jusqu’à ce moment je n’avais pas eu l’idée complète de ce qu’est le sentiment du froid.... Ma main, que j’exposai une seconde à l’air en essayant de ramener autour de moi mon manteau de buffle, fut tout aussitôt saisie et amortie par cette gelée intense. Mon haleine, arrêtée au passage par le mouchoir de lame qui entourait mon visage, s’y cristallisait aussitôt, et me fit en peu de temps un masque de glace. La flamme du foyer brûlait bleue dans l’air raréfié; à deux pieds de l’âtre embrasé, la neige restait dure et craquait sous les doigts... »
Le jour suivant fut encore consacré au voyage. On n’arriva que le soir, après dix-huit milles de route, au ravagé, c’est-à-dire au district