conquêtes. L’éducation de celles-ci, très superficielle, et leur entrée dans le monde, ordinairement très précoce, les disposent merveilleusement à la coquetterie. Aussi, lorsque l’hiver finit, ou bien lorsqu’un régiment est rappelé en Angleterre, les assiduités de bal, les valses entraînantes, les parties de campagne aux lacs voisins, les courses en traîneaux, se traduisent en mariages plus ou moins bien assortis, mais qui attestent l’irrésistible pouvoir de la grâce, de l’esprit naturel, de l’amabilité sans prétentions. L’usage n’impose point aux belles Canadiennes la même réserve qu’aux Anglaises du même âge. On n’est point étonné qu’une danseuse accapare un partner qui lui a plu non-seulement pour une soirée, mais pour toute une saison. L’extrême pureté des mœurs empêche que ces intimités passagères soient mal interprétées. Personne ne trouve mauvais que, le lendemain d’un bal, la jeune miss et son assidu courtisan montent ensemble à cheval ou en calèche pour aller visiter quelque site des environs.
L’hiver à Québec est d’une rigueur extrême, mais c’est aussi la saison des plaisirs les plus fous. A peine les premières neiges sont-elles tombées, — elles ne fondront plus avant le retour du printemps, — que des traîneaux de toute forme, richement ornés, garnis de fourrures, attelés d’excellens chevaux, font tinter leurs clochettes d’argent par toutes les rues. Les costumes subissent à l’instant même la plus complète métamorphose; les robes de mousseline, les uniformes brodés, disparaissent sous d’immenses pelisses à la russe. Les dames ont en outre des boas, des manchons; les hommes, des bottes fourrées, des gants velus, des mocassins en peau d’élan, voire des surtouts de peau de buffle et des bonnets de renard qui leur descendent sur les oreilles. Ces précautions sont purement comfortables, car le froid, à coup sûr très pénétrant, est en même temps fort sec et fort peu malsain. Un rasoir exposé à l’air pendant toute la nuit se retrouve le lendemain sans la plus petite tache de rouille. Du reste, tout est gelé. Les alimens de toute espèce, conservés par le froid, se vendent au marché dans cet état : les porcs debout sur leurs jambes raides, le lait à la livre et par blocs de glace blanche. A partir de ce moment, presque tous les campagnards, mais surtout les habitans français, renoncent à voyager sur les grands chemins, pour la plupart en assez mauvais état. On les voit, même avant que ces voies nouvelles soient tout-à-fait sans danger, lancer leurs traîneaux sur les rivières à moitié prises. Parfois la glace rompt, voyageurs et chevaux sont prêts à disparaître. En pareil cas, le conducteur n’a qu’une ressource, qui est d’étrangler son cheval, afin qu’en se débattant il n’enfonce pas plus vite; l’animal, que sa bride fortement serrée prive de respiration, flotte comme un cadavre à la surface de l’eau ; alors seulement on peut le draguer sur quelque glaçon, ou le pousser, masse inerte, jusqu’au rivage, où on le ressuscite si faire se peut.