donner des maîtres plus rapprochés d’elle, s’il ne lui est pas permis d’aspirer à une existence indépendante.
En 1812, et dans le cours des deux années suivantes, on a pu reconnaître combien la défense de ces colonies était difficile et coûteuse. Les Américains, battus sans peine dans les deux premières campagnes, mais formés par leurs défaites même, et qui revenaient toujours plus nombreux contre des troupes sans cesse diminuées, auraient certainement fini par envahir les deux Canadas, sans le loyalisme malavisé des habitans français, si mal payés aujourd’hui du sang qu’ils versèrent alors pour rester sujets de la Grande-Bretagne. Un calcul a été fait, d’où il résulte que chaque bouche à feu, transportée de Plymouth et de Portsmouth sur les lacs canadiens, revenait à plus de 1,000 liv. st. (25,000 fr.). La même difficulté se présentait pour chaque bâtiment de guerre, pour chaque matelot, pour chaque soldat de ligne, et, si la paix rétablie sur le continent européen n’avait rendu tout à coup à l’Angleterre un grand nombre de vieilles troupes, si elle n’avait pu transporter, de Bordeaux en Amérique, une partie des bandes victorieuses que Wellington allait cesser de commander, on ne doit guère douter qu’elle n’eût dès-lors perdu, en grande partie, ses possessions nord-américaines. Or, les États-Unis ne comptaient dans ce temps-là que huit millions d’habitans; ils n’étaient parvenus à mettre sous les armes, avec des efforts extraordinaires, qu’une petite armée de vingt-cinq mille hommes, dont à peine la moitié put être dirigée vers le Canada. Leurs généraux inexpérimentés eurent pour adversaires des capitaines formés dans les grandes guerres qui pendant vingt-cinq ans avaient fait de l’Europe un immense champ de bataille. Une nouvelle lutte s’engagerait certainement sous des auspices plus favorables à la cause américaine. Or, cette lutte est prévue, désirée, populaire en Amérique. Les voyageurs des États-Unis qui visitent Québec et qui voient s’élever autour de cette ville une masse de fortifications tous les ans accumulées, sourient à ces inutiles défenses, et remercient ironiquement les Anglais des soins qu’ils se donnent pour rendre imprenable la principale ville du Canada. Certains de la posséder tôt ou tard, ils envisagent ces énormes dépenses du même œil qu’un héritier présomptif regarde ces améliorations faites, par un vieillard étourdi, sur des biens qui doivent immanquablement passer de celui-ci à celui-là dans un délai assez bref.
Pour le moment, c’est assez nous occuper de l’avenir et anticiper sur les décrets de la Providence. N’oublions pas que nous avons surtout pour but de parcourir les deux Canadas, tels que les a vus un ingénieux touriste.
Nous ne ferons halte à Saint-Jean, la capitale de Terre-Neuve, que pour lui reconnaître une supériorité bizarre sur toutes les villes de