Voilà donc une illusion qu’il faut perdre encore, — les délices du harem, la toute-puissance du mari ou du maître, des femmes charmantes s’unissant pour faire le bonheur d’un seul ; — la religion ou les coutumes tempèrent singulièrement cet idéal, qui a séduit tant d’Européens. Tous ceux qui, sur la foi de nos préjugés, avaient compris ainsi la vie orientale se sont vus découragés en bien peu de temps. La plupart des Francs entrés jadis au service du pacha, qui, par une raison d’intérêt ou de plaisir, ont embrassé l’islamisme, sont rentrés aujourd’hui, sinon dans le giron de l’église, au moins dans les douceurs de la monogamie chrétienne.
Pénétrons-nous bien de cette idée, que la femme mariée, dans tout l’empire turc, a les mêmes privilèges que chez nous, et qu’elle peut même empêcher son mari de prendre une seconde femme, en faisant de ce point une clause de son contrat de mariage. Et, si elle consent à habiter la même maison qu’une autre femme, elle a le droit de vivre à part, et ne concourt nullement, comme on le croit, à former des tableaux gracieux avec les esclaves sous l’œil d’un maître et d’un époux. Gardons-nous de penser que ces belles dames consentent même à chanter ou à danser pour divertir leur seigneur. Ce sont des talens qui leur paraissent indignes d’une femme honnête ; mais chacun a le droit de faire venir dans son harem des almées et des ghawasies, et d’en donner le divertissement a ses femmes. — Il faut aussi que le maître d’un sérail se garde bien de se préoccuper des esclaves qu’il a données à ses épouses, car elles sont devenues leur propriété personnelle ; et s’il lui plaît d’en acquérir pour son usage, il ferait sagement de les établir dans une autre maison, — bien que rien ne l’empêche d’user de ce moyen d’augmenter sa postérité.
Maintenant il faut qu’on sache aussi que, chaque maison étant divisée en deux parties tout-à-fait séparées, l’une consacrée aux hommes et l’autre aux femmes, il y a bien un maître d’un côté, mais de l’autre une maîtresse. Cette dernière est la mère ou la belle-mère, ou l’épouse la plus ancienne ou celle qui a donné le jour à l’aîné des enfans. — La première femme s’appelle la grande dame, et la seconde le perroquet (durrah). Dans le cas où les femmes sont nombreuses, ce qui n’existe que pour les grands, le harem est une sorte de couvent où domine une règle austère. On s’y occupe principalement d’élever les enfans, de faire quelques broderies et de diriger les esclaves dans les travaux du ménage. La visite du mari se fait en cérémonie, ainsi que celle des proches parens, et, et, comme il ne mange pas avec ses femmes, tout ce qu’il peut faire pour passer le temps est de fumer gravement son narghilé et de prendre du café ou des sorbets. Il est d’usage qu’il se fasse annoncer quelque