au cœur de l’archipel la vie et le mouvement. Les îles de France et de Bourbon, malgré leur éloignement, nous paraîtraient appelées à trafiquer avec les Maldives de préférence à Ceylan et à la côte Malabare, qui les touchent pour ainsi dire, mais où se trouvent les mêmes productions. Le commerce d’échange serait le meilleur, car toute importation deviendrait précieuse pour des hommes qui n’ont rien que ce qu’ils récoltent eux-mêmes. On aurait en retour des cargaisons de cocos et de balles de caire, des nattes d’une grande beauté, de l’écaille, quelques morceaux d’ambre, du corail noir qu’il serait facile de polir et de travailler. Bientôt le commerce ferait naître l’industrie : de vastes pêcheries pourraient s’établir sur tous ces bancs de sable, et, pour créer des manufactures d’huile de palme, il suffirait d’introduire sous leurs bois de cocotiers ces petits moulins à bras que nous employons dans nos colonies. Ces résultats, il est vrai, ne pourraient s’obtenir qu’avec l’assentiment et les bonnes dispositions du sultan ; mais nous sommes persuadé qu’il serait accessible à d’adroites prévenances, à de petits présens, et surtout à l’espoir bien fondé de voir augmenter sa fortune.
Les vents nous furent peu favorables ; huit jours se passèrent à courir bord sur bord. D’après notre estime, nous devions nous trouver dans le voisinage du cap Comorin. Un homme monta à la tête du mât pour chercher cette terre à l’horizon ; mais, au lieu d’annoncer le continent, il signala derrière nous, un peu à l’ouest, une île dont nous n’étions éloignés que de sept ou huit milles. Elle fut reconnue pour être l’île Minicoï, la plus méridionale de l’archipel des Laquedives. Nos vivres étaient presque épuisés, l’eau manquait, et, malgré sa répugnance, notre capitaine se vit dans la nécessité d’y faire une relâche. Pour moi, je fus dans l’enchantement, car j’étais accablé de fatigue et d’ennui. Quelle pénible traversée ! Sur le pont, un soleil ardent nous dévorait ; notre seul abri était une petite case pratiquée dans le corps du bateau, et l’on y suffoquait, car elle était toujours pleine de fumée. Déjà la vue des cocotiers semblait me rafraîchir, et leurs masses jetaient sur le sable du rivage des ombres où ma pensée courait se réfugier. Aussi je ne fus pas le dernier à toucher la terre.
Cette île a la forme d’un fer à cheval ; sa cavité est tournée vers le nord-ouest, où elle offre une baie vaste et tranquille. Des récifs l’environnent et lui font une digue naturelle, contre laquelle viennent se briser les flots de la haute mer. Il y a passage aux deux extrémités de cette muraille de rochers, et dans le centre se trouvent quelques petites issues accessibles seulement à des pirogues de pêche. Au bord de la baie s’élèvent deux villes ou plutôt deux villages. Je ne vis que l’extérieur des maisons. La population me parut nombreuse, active et entreprenante ; mais ces insulaires ne nous montrèrent que haine et dédain : ils ont l’air plus fier, plus décidé que les Maldivois, et sont