éventails de plumes de paon. S’il vient à pleuvoir, on déroule une natte immense, soutenue de distance en distance par de longs bâtons, et le cortège se range, se presse sous cette espèce de dais.
Dans l’année, il y a une nuit spécialement consacrée à la mémoire des morts, et cette funèbre solennité eut lieu pendant notre séjour aux Maldives. Hommes, femmes, enfans, se répandent alors dans les cimetières ; chacun porte son offrande : des fruits, du lait, des viandes préparées selon le goût de celui qui repose sous la terre où ils vont s’asseoir et prier. Quelques-uns même y déposent leurs gourgoulis tout enflammés, d’où s’échappe la fumée pénétrante de ce tabac sucré qu’ils aiment tant dans ce monde, et qui doit encore les réjouir dans l’autre. Après l’accomplissement de cette cérémonie, il est d’usage que les inférieurs aillent visiter ceux de leurs compatriotes qui ont sur eux autorité ou influence. Je me trouvais alors chez Daïdi : c’était un patricien, et je vis accourir dans sa demeure de nombreux cliens. En entrant, ils se courbaient jusqu’à terre, et demeuraient dans cette position jusqu’à ce que le maître du logis les fît asseoir ; puis il leur présentait le bétel et les congédiait. Vainement je voulus connaître la cause de cette espèce d’hommage qui rappelait la féodalité ; mon hôte se perdit dans de longues explications auxquelles je ne pus rien comprendre. Cependant, comme il était plus expansif, plus causeur que de coutume, je le pressai de questions, et je vis clairement qu’au fond de toutes leurs cérémonies et de toutes leurs pensées religieuses il y avait une grande frayeur du diable. Il me révéla que les Maldivois n’entreprenaient jamais rien sans avoir préalablement consulté l’oracle. Je ne sais comment ils accomplissent cette pratique ; mais j’y trouvai l’explication de ces lenteurs, de ces obstacles mystérieux qui, plus d’une fois, m’avaient désespéré dans mes rapports avec les insulaires. En pensant aux conséquences d’un pareil culte, d’une superstition si sauvage, je tremblai. Ces mêmes hommes qui nous avaient accueillis avec une touchante hospitalité, parce que les nombres ou tout autre symbole nous étaient favorables, nous auraient sans doute égorgés dans le cas contraire. Bien des naufrages en effet ont eu lieu sur ces mêmes rochers, et jamais on n’a entendu parler des équipages.
Parmi les croyances des Maldivois, il en est qui rappellent la plus ancienne idolâtrie. Ainsi ils sacrifient au dieu du vent, ou au vent lui-même, qu’ils considèrent peut-être comme un esprit indépendant. A cet effet, ils construisent un petit navire qu’ils couronnent de fleurs, et qu’ils portent au rivage en grande cérémonie. Ils attachent au fond une poule blanche, y mettent une petite provision de riz, un vase contenant un peu d’eau douce, puis ils l’abandonnent à la brise en poussant de grands cris. Quelquefois ils le lancent sur les flots après l’avoir