Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/884

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la rapine et pourtant une sorte de générosité, la haine de l’étranger et en même temps le culte de l’hospitalité. Je ne pense pas toutefois qu’ils proviennent d’une migration directe ; je crois plutôt qu’ils sortent de quelque tribu qui avait déjà mêlé son sang à celui de la race éthiopienne. Placée en regard de l’Afrique, l’Arabie commença par jeter ses deux bras sur le continent africain ; l’un s’étendit au nord, l’autre à l’est, et c’est sans doute de cette dernière branche que se détacha la petite colonie qui vint peupler les Maldives. Le type arabe s’est conservé parmi ces insulaires, mais il a perdu sa régularité originelle ; le teint s’est modifié aussi, il est beaucoup plus basané. Les Maldivois ont de la ressemblance avec les habitans de Zanzibar et des autres îles africaines où les Arabes se sont anciennement établis. Le voisinage de la côte Malabare a aussi produit son effet, et l’on retrouve chez eux quelque chose de la physionomie hindoue : une sorte de langueur dans l’expression du visage, principalement dans les yeux, et cette mollesse du corps qui touche à l’abattement. Outre l’influence d’un même climat et d’une même nourriture qui doit à la longue effacer bien des différences, on peut supposer à cette ressemblance des Maldivois et des Hindous une cause plus active. Lorsque les Arabes abordèrent aux Maldives, ils durent y trouver quelques familles hindoues qui s’y étaient déjà fixées, ou bien, postérieurement à leur occupation, des hommes et des femmes de la côte seront venus faire alliance avec les enfans du prophète.

La situation de l’archipel, son origine et sa forme présenteraient aussi d’intéressans sujets d’étude au naturaliste et au géographe. Toutes ces îles sont entièrement madréporiques ; elles doivent leur existence à certains petits insectes qui vivent en république au fond de la mer, où ils construisent leurs innombrables cellules. Ces cellules, composées d’une substance calcaire, se groupent et s’élèvent en se ramifiant comme des plantes marines ; puis les différentes tiges se multiplient, se joignent, se pressent, et finissent par former une vaste ruche, un bloc poreux, mais solide. Quand l’édifice a atteint le niveau de la mer, il cesse de s’élever, et alors la couche supérieure, soumise à l’influence de l’air, de la pluie et du soleil, se décompose et fournit les premiers principes, la première nourriture d’une végétation naissante. Pendant que ce travail s’accomplit, quel est le sort des zoophytes, de ces vers imperceptibles, de ces architectes mystérieux ? S’élèvent-ils à mesure que leur construction grandit, abandonnant les ruches inférieures pour en construire de nouvelles, ou bien chaque étage est-il le logement d’un nouvel essaim de travailleurs ? forment-ils des générations superposées l’une à l’autre ? L’imagination recule ici devant les conjectures. Quand donc ont-ils jeté les fondemens de ces grands édifices ? où ont-ils puisé cet amas de substances calcaires ? combien a-t-il fallu de siècles à leur travail si lent pour élever