rafraîchissemens : des cocos, de petits biscuits sucrés et une espèce de gâteau de riz d’une saveur acidulée. Ils prirent tout le temps de nous observer, et disparurent comme ils étaient venus, laissant à notre curiosité ces seuls mots : «Nous sommes les serviteurs du sultan des îles. » Quel but avait cette visite ? Le bateau était si petit, qu’il ne pouvait être employé à aucune opération commerciale. Il est probable que, le bruit de notre naufrage étant arrivé jusqu’aux oreilles du sultan, ce prince avait en- voyé prendre des informations sur les naufragés.
Nous n’arrivâmes à Tinandou qu’au milieu de la nuit. Notre capitaine venait d’être pris d’un violent accès de fièvre, et nous ne pouvions nous défendre des plus sinistres pressentimens. Que serions-nous devenus, abandonnés à nous-mêmes ? Il était l’ame de toutes nos résolutions, et c’était son zèle pour notre délivrance qui l’avait précipité avec trop d’ardeur sous les coups d’un soleil meurtrier. A la première nouvelle de sa maladie, le chef de Tinandou, le vieil Ossen, vint le visiter avec le plus tendre intérêt, apportant une potion composée de piment, de girofle et de citron. Plusieurs fois il engagea le malade à prendre cette potion ; à chaque refus, il répétait ces mots d’un accent pénétré : Amara toumara dosti (moi ton ami). Enfin, voyant que ses instances étaient inutiles, il versa la liqueur dans ses mains et en frotta les tempes et le front du patient, accompagnant ces frictions d’une prière composée d’un grand nombre de versets ; il commençait chaque verset à voix basse, puis il montait progressivement jusqu’au ton le plus élevé, et terminait par un profond soupir. Malgré toutes ces conjurations, la fièvre fut opiniâtre et ne céda qu’après vingt-quatre heures de délire, laissant notre malade dans une extrême faiblesse.
Notre situation devenait de jour en jour plus pénible. Cependant nous vîmes faire tous les préparatifs d’une grande expédition, et l’on vint nous annoncer une résolution à laquelle les messagers mystérieux du sultan n’étaient peut-être pas étrangers : nous allions dire adieu aux tristes rivages de Tinandou. On nous fit embarquer sur trois pros : l’un, commandé par le chef de l’île, portait le capitaine et les officiers ; les deux autres avaient pris chacun moitié de notre équipage. Cette petite flotte ne quitta le port qu’à midi, et la nuit vint la surprendre non loin de l’île où nous avions fait naufrage. Les insulaires, fidèles à leur habitude de ne jamais demeurer sous voile pendant la nuit, vinrent y chercher asile. Les jours suivans, il ne fut plus question de voyage, et, lorsque nous demandions la cause de ce retard, on nous répondait que les vents étaient mauvais, ou qu’il faisait calme. Il fallait bien sup- porter cette nouvelle contrariété, et nous attendions patiemment qu’il plût à nos maîtres de faire souffler le vent, quand nous vîmes paraître six Européens. Ils avaient traversé l’île pour accourir à nous, abandonnant leur canot sur la côte opposée. C’était ce même canot qui nous avait