des provisions. Le radeau terminé, on le conduisit à l’avant du navire, où il trouva un abri contre les coups de mer. Alors la chaloupe fut mise à l’eau sous le commandement du lieutenant ; on y avait réuni les vivres et les outils nécessaires pour former un établissement dans une île déserte. Elle s’éloigna du bord dans un moment de calme ; mais elle fut bientôt prise par les lames, qui la poussèrent avec fureur jusque sur les récifs, où elle alla échouer ; ce ne fut pas sans peine et sans danger qu’elle parvint à les franchir, et toutes les provisions qu’elle contenait furent perdues ou avariées. Le canot fut plus heureux, à notre grande joie ; il portait nos armes, les munitions de guerre et les instrumens de marine.
Une partie de l’équipage était donc sauvée, l’autre restait à bord avec le capitaine. Le temps devenait plus mauvais, des grains frappaient avec violence, les vagues s’amoncelaient ; il fallut abandonner le sauvetage et se jeter à la mer pour gagner le radeau, qu’on ne pouvait atteindre qu’à la nage ou au moyen des cordes qui le tenaient attaché au navire. Le capitaine descendit le dernier après s’être assuré qu’il n’y avait plus personne à bord. Les amarrages furent aussitôt coupés, et le radeau se trouva abandonné aux courans. Battu à chaque minute par les coups de mer, plongeant d’un côté, montant de l’autre, il avançait en tournoyant, et il fallait se tenir avec force pour ne point être enlevé par les lames qui nous enveloppaient de toutes parts et roulaient sur nos têtes. Enfin le radeau arriva sur les récifs sans qu’aucun de nous eût lâché prise dans cette courte, mais périlleuse traversée. Ces récifs que nous venions d’atteindre s’étendaient en ligne circulaire, enfermant dans leur enceinte un vaste bassin où la mer semblait dormir, tant elle était calme, et de ce bassin sortaient de nombreux îlots. Ces écueils si redoutables au navigateur font la sûreté de l’habitant des Maldives, et sont comme un rempart élevé par la nature autour de sa demeure. La réunion de toutes ces petites îles dans un même bassin compose ce qu’on appelle un atollon ou groupe particulier, et celui dans lequel nous venions de pénétrer est l’atollon Souadive, que les insulaires appellent aussi quelquefois atollon Houadou.
Le radeau ne pouvait franchir les récifs sans les plus grandes difficultés, et d’ailleurs il devenait désormais inutile ; il fut abandonné, et nos deux embarcations, conduites lentement à l’aviron, emportèrent tout ce qu’on avait tiré du navire. Nous nous dirigions vers l’île la plus voisine, et déjà nous en approchions quand nous vîmes apparaître un bateau qui marchait à notre rencontre. Il nous atteignit bientôt, et notre capitaine n’hésita point à y monter. Ignorant les intentions des insulaires, ne connaissant point encore leur caractère, n’entendant pas un mot de leur langue, il voulait gagner leur sympathie par cette marque de confiance, et aussi s’assurer de leurs dispositions. Vers le